Recherches sur les faunes marine et maritime de la Normandie par Henri Gadeau de Kerville

la Revue Scientifique, 9 mars 1895
Lundi 22 juin 2009 — Dernier ajout dimanche 26 mai 2019

Recherches sur les faunes marine et maritime de la Normandie, :le voyage ; région de Granville et îles Chausey (Manche), par Henri Gadeau de Kerville — Un vol. in-8° de 140 pages, avec 11 planches et 7 figures dans le texte ; Paris, J.-B. Baillière, 1894.

M. Gadeau de Kerville a entrepris de décrire en totalité la Faune de la Normandie, dont il a déjà étudié les mammifères et les oiseaux (fascicules publiés) : aussi s’est-il vu dans la nécessité, pour mener à bien ce travail considérable, de faire chaque année un voyage prolongé, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, du littoral normand, dans les localités où il pouvait compter sur des récoltes zoologiques intéressantes et fructueuses. L’auteur nous dit qu’il a décidé de faire porter ses recherches sur une bande littorale d’un maximum de trois lieues de large, et de ne point se borner à la faune marine, c’est-à-dire aux animaux qui vivent dans la mer, mais de récolter aussi les animaux maritimes, c’est-à-dire ceux ayant comme habitat le bord de la mer. Il doit étudier aussi la faune des eaux saumâtres, et de plus faire connaître, en certains cas, les animaux de la faune d’eau douce et de la faune terrestre non maritime trouvés dans le voisinage de la mer.

Le volume dont il s’agit aujourd’hui, extrait du Bulletin de la Société des Amis des sciences naturelles de Rouen, nous donne les résultats de la première campagne faite par M. Gadeau de Kerville dans la région de Granville et aux îles Chausey. Parmi les espèces décrites par l’auteur, plusieurs sont nouvelles pour la Normandie et pour la France, et quelques-unes même pour la science.

Au cours de ses descriptions, l’auteur raconte un fait curieux d’association entre Rhizostomes et Saurels. Le Rhizostome est abondant sur la côte occidentale du Cotentin, et dans ces régions il n’est pas rare de voir les Rhizostomes, particulièrement ceux d’assez grandes dimensions, accompagnés chacun d’une flottille de jeunes Saurels communs, flottille composée parfois de plusieurs douzaines d’individus. Ces jeunes poissons nagent parallèlement au grand axe du Rhizostome et dans la même direction que cet animal. Ils se tiennent au-dessus, au-dessous, sur les côtés et en arrière de lui, mais ne s’avancent pas au delà du sommet de son ombrelle. Par moments, la flottille s’en écarte de quelques mètres ; mais, à la moindre alerte, immédiatement, et avec une très grande vitesse, elle revient occuper, auprès de lui, sa situation précédente.

Il n’est pas douteux pour l’auteur que les jeunes Saurels communs accompagnent les Rhizostomes de Cuvier pour se protéger par eux. En effet, cette espèce, et les autres discoméduses, ne sont la proie d’à peu près aucun animal, à cause de leur consistance gélatineuse et de leurs propriétés urticantes ; et, par ce double fait, elles créent autour d’elles, et cela d’une manière absolument passive, une zone de protection où les jeunes de certaines espèces de poissons et quelques petites espèces de crustacés viennent se mettre à l’abri de leurs ennemis.

Terminons en notant que cette étude de M. Gadeau de Kerville, qui recevra certainement le meilleur accueil de tous les naturalistes, et qui devrait servir de modèle à des études analogues à entreprendre dans chacune de nos provinces, est suivie de monographies de MM. Canu et Trouessart sur les Copépodes et les Ostracodes marins et sur les Acariens marins récoltés.pendant. cette première campagne.

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