Pétrole synthétique et carburant national

H. Winkler et L. Jacqué, La Nature N°2668 (23 mai 1925) et N°2669 (30 mai 1925)
Jeudi 30 avril 2009 — Dernier ajout jeudi 28 mars 2024

H. Winkler et L. Jacqué, La Nature N°2668 (23 mai 1925) et N°2669 (30 mai 1925)

1e partie - N°2668 (23 mai 1925)

L’approvisionnement en essences et en huiles nécessaires aux moteurs à explosion, chaque jour plus nombreux dans notre pays, est une question de haut intérêt national. Nous ne pouvons guère prendre en main un journal sans qu’il nous transmette l’écho parfois bizarrement déformé, des efforts accomplis pour trouver dans la métropole et les colonies des ressources de cette nature et nous affranchir. autant que possible, d’une importation étrangère très onéreuse.

Cependant, jusqu’à ces dernières années, on s’était peu préoccupé de cette question et, tout au moins pour les carburants, on s’adressait presque uniquement aux produits légers de la distillation des pétroles étrangers.

Nous entendons par carburants, les combustibles employés dans les moteurs à combustion interne, tels que les moteurs de voitures ou camions automobiles. Les principales conditions qui leur sont imposées de ce fait sont les suivantes :

1°La substance, soit à l’état de vapeur mélangée à l’air, soit à l’état de gouttelettes minuscules en suspension dans l’air, doit donner lieu à une combustion rapide et toutefois progressive.

2° Cette combustion doit se faire sans résidu appréciable pouvant provoquer l’encrassage du moteur,

3° Si le carburant est formé d’un mélange de substances différentes, il doit rester homogène quelles que soient les conditions de température et d’humidité qui peuvent se présenter couramment.

4° Il ne doit pas contenir d’agents chimiques susceptibles de corroder les surfaces métalliques.

5° Le volume nécessaire à un approvisionnement normal doit être aussi faible que possible afin de diminuer l’encombrement.

6° Enfin, de toute évidence, le prix du carburant doit être le plus bas possible.

Il a fallu l’énorme accroissement de la consommation chez les producteurs eux-mêmes, les inquiétudes que détermine l’exiguïté des réserves connues et sans doute aussi, notre situation financière assez défavorable, pour qu’on s’attaquât franchement au problème.

Dès aujourd’hui, les États-Unis d’Amérique deviennent des importateurs d’essences, Les pétroles russes ne se trouvent pratiquement pas sur le marché et on ne peut en espérer un approvisionnement régulier avant un délai assez long, La production roumaine et galicienne ne peut nous parvenir que par des routes assez longues et l’activité des grands pays voisins suffira à l’absorber.

Enfin, quelles que soient nos possibilités d’achat, nous avons tout intérêt à nous affranchir de cette dépendance, tant pour éviter des contraintes politiques internationales, que pour diminuer le lourd fardeau annuel de un milliard de francs, prix de notre importation.

La seule région française qui produise industriellement du pétrole est le bassin de Pechelbronn (Alsace), Connu et exploité depuis bien longtemps (première concession en 1627), il n’a cessé depuis la guerre, d’intensifier sa production qui atteint 70 000 tonnes d’huile brute par an, donnant 3 à 4 pour 100 d’essences naturelles, soit environ 2500 tonnes. On sait, en effet, que la proportion d’essences légères du pétrole brut, comme aussi la nature chimique et le pourcentage de ses autres constituants, varie suivant les régions dont il provient ; cette proportion d’essences est d’ailleurs toujours assez faible et arrive dans certaines huiles brutes (Mexique par exemple) à être nulle. Quoi qu’il en soit, la production annuelle d’essences naturelles de Péchelbronn est environ égale à notre consommation quotidienne ; et, s’il est vrai que par des procédés de craquage, c’est-à-dire de dégradation des molécules lourdes, on peut obtenir 4 à 5 fois plus d’essences, c’est au détriment des huiles lampantes et des huiles de graissage et le vide à combler est toujours considérable. Il faut remarquer d’ailleurs que les huiles de graissage ont une importance pratique aussi grande que les carburants proprement dits. Les producteurs de Péchelbronn ont perfectionné l’extraction des huiles de graissage d’une façon très intéressante.

La recherche de nouveaux gisements est activement poussée sur bien des points du territoire ; elle a donné jusqu’ici des résultats médiocres, Cependant les dernier sondages dans l’Hérault (Gabian) sont plus encourageants et méritent de retenir l’attention.

D’autre part, on a cherché à obtenir par des moyens chimiques des succédanés du pétrole, à partir d’un certain nombre de produits combustibles naturels. Nous nous proposons de décrire brièvement les recherches effectuées dans ce sens. Les efforts se sont surtout orientés vers la préparation de succédanés des essences de pétrole, de sorte que le problème du pétrole synthétique se confond de bien près avec celui des carburants, mais embrasse de plus la question des huiles de graissage.

Les sources de succédanés possibles ou effectifs du pétrole sont des matières provenant soit de la minéralisation plus ou moins avancée des végétaux (houille, lignite, tourbe et leurs dérivés), soit des végétaux vivants (alcools, huiles végétales et chlorophylle), soit enfin des animaux (huiles et graisses).

La houille. - Le sol français est moyennement riche en houille : la production annuelle normale peut atteindre une quarantaine de millions de tonnes. Les mines du Nord et du Pas-de-Calais ont produit, d’octobre 1923 à octobre 1924, 24 700 000 t dont une partie relativement faible a donné dans les fours à coke 1 800 000 t. de coke.

On sait que la carbonisation de la houille donne, outre le coke, des gaz et des goudrons, de qualité et de composition variables suivant la nature des houilles et les conditions de la pyrogénation. Il faut distinguer dans les méthodes de pyrogénation deux classes qui donnent des résultats bien différents au point de vue des carburants :

1° La carbonisation haute température (800 à 1200°), la seule qui soit, depuis longtemps d’ailleurs, entrée dans le domaine industriel,

2° La carbonisation à basse température (vers 400 à 600°) qui a donné lieu récemment à de nombreuses recherches, sans qu’on puisse dire toutefois que le problème soit complètement élucidé.

La carbonisation à haute température. - La carbonisation à haute température est effectuée surtout pour obtenir du coke métallurgique et du gaz par des procédés qui sont vulgarisés depuis longtemps. Au point de vue des produits de distillation, elle est caractérisée :

1° Par des goudrons comprenant des fractions légères (xylols), des huiles phénoliques, naphtaléniques, anthracéniques, de plus en plus lourdes, enfin du brai.

Tous ces produits, qui sont de constitutions apparentées à celle du benzène C6H6 et appartiennent à la « famille aromatique ». présentent une grande stabilité. Il s’ensuit que ceux d’entre eux dont le poids moléculaire ou toutes autres propriétés ne conviennent pas à l’emploi dans un moteur à combustion interne sont très difficilement craquables en produits plus légers ;

2° Des gaz comprenant essentiellement du méthane CH4 et de I’hydrogène, mais aussi du benzol [1] (benzène et toluène) séparé dans le débenzolage et de l’éthylène C2H4

Parmi les sous-produits des goudrons, le benzène, le toluène, les xylènes se prêtent bien à l’emploi comme carburants. Mais l’industrie en absorbe des quantités considérables comme solvants et pour la préparation des matières colorantes et des explosifs. Il y aurait néanmoins intérêt à carboniser une plus grande proportion de notre production de houille pour mieux utiliser les ressources qu’elle nous offre.

La naphtaline extraite des huiles moyennes se prête

assez difficilement à l’emploi direct comme « carburant » à cause de la facilité avec laquelle elle cristallise. Elle nécessite donc l’emploi de moteurs spécialement construits où elle circule fondue dans des organes chauffés. Néanmoins on peut l’employer dans les moteurs courants en dissolution à 30 % dans le benzol en ajoutant le plus souvent de petites quantités de produits qui abaissent la température de séparation de la naphtaline (Cosmoline, Mais précisément ces produits ont généralement des propriétés plus ou moins corrosives qui semblent nuisibles aux surfaces métalliques.

On a aussi pu transformer la naphtaline en carburants liquides par hydrogénation. De l’hydrogène, provenant en particulier du gaz de houille, peut être employé à saturer les valences doubles de cette molécule en donnant des produits tels que :

  • C10H12 tétrahydronaphtaline.
  • C10H18 décahydronaphtaline.

Cette réaction exige l’emploi de produits purs et d’un catalyseur, c’est-à-dire d’une substance qui augmente les vitesses de réaction sans être sensiblement altérée. Un des plus courants est le nickel réduit obtenu par l’action de l’hydrogène pur sur l’oxyde de nickel chauffé ou encore par calcination du formiate de nickel (Brochet).

La tétrahydronaphtaline a été employée par les Allemands mélangée à d’autres carburants (carburant national allemand), pendant la crise des carburants que la guerre leur faisait subir. Ses principaux inconvénients sont un grand pouvoir dissolvant qui par ailleurs la fait utiliser pure (tétraline) comme solvant industriel et son haut point d’ébullition. En effet, dès qu’il existe un jeu entre le piston et le corps de pompe du moteur, ses vapeurs vont se condenser en dissolvant les lubrifiants des organes de frottement qui ne tardent pas à gripper.

Les huiles lourdes de goudron ne peuvent être employées que dans des moteurs industriels du type Diesel, mais ce serait une solution des plus séduisantes que d’adapter les moteurs des voitures automobiles à l’emploi de ces produits relativement abondants et bon marché.

Dans les gaz de houille épurés et débenzolés, la partie intéressante est constituée par l’hydrogène, le méthane, et l’éthylène (2 %).

L’hydrogène peut être séparé par liquéfaction des autres constituants du mélange. Il peut servir, concurremment avec l’hydrogène du gaz à l’eau aux hydrogénations donnant. lieu à la formation de produits carburants.

Le méthane trouve son emploi dans l’alimentation des moteurs à combustion interne fixes ; quelques voitures automobiles même fonctionnent avec ce gaz, transporté sous pression dans des réservoirs qui doivent être légers et résistants.

Nous parlerons ultérieurement de la transformation possible du méthane en acétylène et en cyclanes, L’éthylène peut, par fixation d’eau, être transformé en alcool éthylique. (Nous renvoyons à l’emploi de l’alcool comme carburant.]

La distillation à basse température. - On a vu que les produits distillables de la carbonisation de la houille varient, progressivement d’ailleurs, lorsqu’on abaisse la température de l’opération.

Vers 1000°-1200° on n’obtient par tonne de houille qu’une cinquantaine de kilogrammes des goudrons décrits précédemment et ne contenant pour ainsi dire pas de composés hydrocarbonés à chaines longues, mais presque uniquement des produits de la série aromatique : au contraire vers 400°-600°, les goudrons sont plus abondants (60 à 100 kg par tonne de houille) et contiennent des produits naphténiques et aliphatiques susceptibles d’être craqués.

En un mot. ce serait un véritable pétrole s’il ne contenait une proportion énorme de phénols supérieurs (jusqu’à 50%) ; ces produits qui sont surtout des homologues plus ou moins compliqués du vrai phénol et qui n’en contiennent malheureusement que des traces infimes, sont difficilement utilisables. Leur hydrogénation même est difficile et couteuse, Comme toujours, des opérations, très intéressantes au point de vue théorique, ne peuvent sortir du domaine du laboratoire pour entrer dans celui de I’industrie que le jour où des perfectionnements techniques leur permettent d’être rémunératrices.

li faut donc se garder des emballements prématurés sur telle ou telle découverte, mais il importe cependant que les efforts soient encouragés et poursuivis.

Les huiles moyennes autres que les phénols peuvent donner, par craquage, des essences plus légères qui, dans certaines conditions, sont de bons carburants et des huiles de graissage plus lourdes.

La plupart des phénomènes de craquage se ramènent en effet à la décomposition de molécules de grandeur moyenne qui donnent à la fois des produits plus légers et des produits plus lourds, ceux-ci par condensation ou polymérisation de certaines fractions de molécule.

Plusieurs réactions de cette nature peuvent se superposer, de sorte, qu’en fin de compte, on se trouve en présence de résultats très complexes qu’il est néanmoins possible d’orienter par un emploi judicieux de la température et de la pression. La dégradation des molécules peut aller jusqu’à la formation d’un dépôt de carbone qui n’est pas une des moindres difficultés auxquelles donnent lieu ces phénomènes.

On peut diviser les procédés de craquage en 4 catégories principales :

1" Le craquage en agissant seulement sur la température de la substance ;

2" Le craquage sous pression. L’action d’une pression croissante en maintenant des conditions analogues de température est de diminuer les produits extrêmes (gaz et charbon) auxquels donne naissance le craquage.

Elle permet à certaines molécules non saturées de se polymériser en donnant un hydrocarbure saturé, inodore et ne présentant plus les inconvénients de combustion incomplète et charbonneuse des hydrocarbures non saturés. Par exemple on aura :

3° Le craquage en utilisant, en outre de la température et de la pression, un catalyseur (surtout le chlorure d’aluminium anhydre dont nous avons défini le rôle d’accélérateur de réaction.

4" Le craquage sous pression d’hydrogène avec ou sans catalyseur. L’action hydrogénante de ce gaz à l’état moléculaire (libre) est d’ailleurs sujette à discussion, car il est difficile de démêler si l’hydrogénation de certains produits obtenus ne s’est pas faite à partir d’hydrogène contenu dans la matière initiale.

C’est à cette méthode qu’il nous semble convenable de rattacher le procédé du Dr Bergius pour l’hydrogénation directe de la houille dont les composants sont soumis à l’action de la température et à l’action possible de l’hydrogène sous pression.

Les gaz de la pyrogénation à basse température contiennent environ 5% d’éthylène qui peut servir à faire de l’alcool.

Enfin le semi-coke obtenu peut être transformé en gaz à l’eau et celui-ci permet la synthèse de l’alcool méthylique.

Les mêmes principes de distillation à basse température s’appliquent aux lignites. Nous en possédons des réserves considérables (1 à 2 milliards de tonnes) beaucoup moins riches en goudrons que les lignites saxons, mais donnant cependant 70 litres de goudron anhydre par tonne. Cette réserve précieuse en combustible liquide justifierait une étude poussée de la question et en particulier de l’utilisation comme combustible du semi-coke obtenu, afin d’équilibrer le prix d’extraction.

De plus, la teneur élevée des lignites en soufre (3 à 9 %), se traduit par un dégagement abondant de gaz sulfhydrique qui permet l’exploitation du gaz comme un véritable minerai de soufre.

2e partie - N°2669 (30 mai 1925)

L’alcool. - Les carburants que nous avons passés en revue jusqu’ici étaient extraits directement de la houille ou des lignites. Nous allons examiner maintenant une autre catégorie de produits carburants que nous pourrions produire très abondamment en France et qui ; s’ils présentent quelques difficultés dans leur emploi, sont néanmoins une ressource précieuse.

Les alcools, et particulièrement l’alcool éthylique et l’alcool méthylique, peuvent être brulés dans les moteurs à explosion. On a souvent avantage à les additionner d’autres carburants qui facilitent le démarrage, un peu dur si l’on emploie l’alcool seul.

L’alcool éthylique s’obtient principalement par la fermentation de matières sucrées d’origine végétale. Les plus employées sont fournies par la betterave, le topinambour, le maïs, etc. Les produits sucrés peuvent également provenir de matières végétales contenant de l’amidon ou des substances similaires après leur transformation en sucres, soit par action de réactifs chimiques, soit par action de ferments, c’est-à-dire d’êtres organisés sécréteurs de réactifs.

C’est ainsi que l’amidon, extrait par exemple de la pomme de terre, s’hydrate en donnant du dextrose par l’action de la vapeur d’eau. Par fermentation, on obtient ensuite des alcools.

Les papèteries qui extraient la cellulose du bois par le procédé au sulfite, utilisent leurs eaux résiduaires pour fabriquer des alcools. Dans la fabrication d’une tonne de cellulose, on obtient environ 8 m3 d’eaux résiduaires contenant 1,6 % de sucres transformables en alcools, et provenant de l’hydrolyse des substances analogues à l’amidon qui accompagnent la cellulose dans le bois.

Nous avons signalé qu’on peut obtenir.de l’alcool éthylique à partir de l’éthylène contenu dans le gaz d’éclairage. Berthelot avait déjà réalisé la combinaison de l’éthylène avec l’acide sulfurique, sous l’orme d’acide sulfo-vinique, puis la décomposition de ce dernier par l’eau, avec formation d’alcool et d’acide sulfurique.

En résumé, cela revient à une fixation d’eau.

C2H4 + H2O $$$ \rightarrow$$$ C2H5OH

éthylène$$$ \rightarrow$$$ alcool éthylique

Les travaux de MM. De Loisy, Damiens et Piette ont réussi à rendre industrielle cette réaction par l’emploi, comme catalyseur, des sels cuivreux qui augmentent la vitesse de réaction par formation d’un complexe intermédiaire.

L’alcool éthylique qui est employé mélangé à d’autres carburants, comme le benzol ou l’essence de pétrole, ne donne avec eux des mélanges homogènes qu’à la condition d’avoir été préalablement déshydraté. L’alcool de distillerie contient 5 à 6 % d’eau en volume. Pour l’en débarrasser, on le distille sur la chaux vive (procédé Loriette : ou peut encore le déshydrater en lui faisant parcourir une colonne où circule en sens inverse de la glycérine (procédé Mariller), ou bien en l’additionnant d’une quantité de benzène telle, qu’à la distillation, l’eau passe entièrement avec le mélange ternaire eau-alcool-benzène. En principe, le« carburant national » français consiste en un mélange de 10 % d’alcool éthylique déshydraté avec 90 % d’essence.

Une autre fabrication, celle de l’alcool éthylique, fait partie des problèmes que nous examinons. Jusqu’à ce jour, la seule source d’alcool méthylique était la distillation sèche du bois ; on obtient ainsi, en même temps, de l’acide acétique, de l’acétone, etc … Pays pauvre en bois, la France ne peut en fabriquer, par ce procédé, que des quantités très faibles : les principaux producteurs sont les États-Unis et la Hongrie.

On a trouvé le moyen de fabriquer par synthèse à partir du gaz à l’eau, c’est-à-dire de la houille, l’alcool méthylique et des hydrocarbures. Les procédés employés paraissent d’une importance capitale et méritent d’être décrits avec quelque détail.

D’une façon générale, ils consistent à faire passer sur un catalyseur convenable, un mélange d’oxyde de carbone et d’hydrogène (gaz à l’eau) comprimé à 150 où 200 atmosphères et chauffé entre 200° et 400°. On doit obtenir les réactions :

CO + 2 H2 $$$ \rightarrow$$$ CH3OH

oxyde de carbone $$$ \rightarrow$$$ alcool méthylique.

CO2 + 3 H2 $$$ \rightarrow$$$ CH3OH + H2O

Mais selon la nature du catalyseur on obtient également des réactions telles que la suivante :

CO + 2 H2 $$$ \rightarrow$$$ CH4 + H2O

On a donc des hydrocarbures.

Dans le cas de la fabrication exclusive de l’alcool méthylique, la présence de traces de fer est prohibitive, à tel point que tout l’appareillage, y compris les conduites de gaz, doit être en cuivre. Au contraire, en présence de fer, on obtient surtout des alcools supérieurs, des acides et des hydrocarbures, mélange complexe, que son inventeur, Franz Fischer, a nommé le« synthol ».

Pour la synthèse de l’alcool méthylique, la température optima semble être aux environs de 300° et varie d’ailleurs avec l’activité du catalyseur. Ce dernier peut être constitué par des mélanges très complexes et variés d’oxydes métalliques et de métaux, dont certains sont décrits dans les brevets allemands de la Badische Anilin und Soda Fabrik et les brevets français de M. G. Patart. Nous pouvons en résumer l’action de la façon suivante : le catalyseur de la réaction de synthèse proprement dite est vraisemblablement un sous-oxyde provenant d’un oxyde métallique approprié, contenu dans la masse catalytique (oxydes d’uranium, de chrome, de vanadium, de tungstène, etc.). Mais, pour la formation de ce sous-oxyde, il est nécessaire que la masse de contact contienne, soit un métal (zinc. cuivre), soit un oxyde facilement réductible en métal. Les sels de fer et de nickel, ainsi que les produits alcalins, doivent être soigneusement évités. Enfin les gaz réagissants doivent être convenablement épurés.

Pour la fabrication du synthol, le gaz à l’eau, débarrassé de l’hydrogène sulfuré et des autres composés du soufre, passe sous une pression d’une centaine d’atmosphères et vers 400° ou 500° sur un catalyseur tel que la limaille de fer potassée, ou encore du ferromanganèse imprégné de carbonates alcalins. On obtient ainsi de l’alcool méthylique, d’autres produits oxygénés (alcools, aldéhydes et mêmes acides) et enfin une huile composée d’hydrocarbures et présentant de grandes analogies avec certains pétroles naturels.

Il est intéressant de signaler que le professeur Sabatier, en faisant passer un mélange d’oxyde de carbone et d’hydrogène sur du nickel réduit pur avait obtenu une des réactions qui sont réalisées dans la fabrication du synthol : la formation du méthane.

Des efforts du même genre que ceux que nous venons de décrire et qui ont été signalés au dernier Congrès français de la Motoculture (1924), se sont attachés à produire synthétiquement des carburants à partir des gaz naturels ou du gaz à l’eau transformé en méthane par la réaction de Sabatier citée plus haut.

Le procédé consiste à faire passer le méthane dans l’arc électrique et à provoquer dans ces conditions la réaction connue de Berthelot :

2 CH4 $$$ \rightarrow$$$ C2H2 + 3 H2

On obtient donc de l’acétylène dilué dans l’hydrogène.

Ce mélange gazeux se polymérise sous l’action de la chaleur et de catalyseurs en donnant naissance à des hydrocarbures cycliques ; on peut.à leur tour les hydrogéner par les procédés classiques et on obtient ainsi des carburants. Celte méthode, très élégante au point de vue chimique, rencontre quelques difficultés dans l’application industrielle, car les réactions sont limitées : tout le problème consiste à produire l’acétylène à bon compte. Ce procédé, qui a su retenir l’attention, exigera peut-être encore quelques efforts avant de conduire au but cherché.

Enfin, nos colonies peuvent trouver une ressource très utile dans l’emploi comme carburants des huiles végétales ou des produits qu’on peut en extraire. Il est intéressant de signaler les travaux remarquables du professeur Mailhe, qui a pu transformer ces huiles — éthers-sels d’acides gras — par l’action du chlorure de zinc et de la chaleur en carbures d’hydrogène utilisables dans un moteur.

Les renseignements, forcément sommaires et incomplets, que nous avons donnés dans ces deux articles, permettent de se faire une idée des efforts considérables qui se sont appliqués à résoudre le problème des carburants. Si les solutions définitives ne sont peut-être pas immédiates, les travaux effectués nous ont acquis cependant des résultats déjà intéressants et qui suffiraient à justifier le labeur qui se poursuit comme beaucoup des espérances qui y sont attachées.

H. Winkler et L. Jacqué

[1Ce terme est improprement employé dans le commerce pour désigner la ligroïne provenant du pétrole.

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