Le ballon libre et l’électricité atmosphérique

Albert Baldit, La Nature N°2635, 2636, 2637 - Octobre 1924
Dimanche 26 avril 2009

1e partie - N°2635, 4 Octobre 1924

I. L’électricité atmosphérique par temps normal : -

Les questions qui se rapportent au champ électrique de la Terre et de l’atmosphère sont encore si obscures, malgré les travaux effectués dans ces dernières années, qu’il peut sembler téméraire de rechercher avec quelque rigueur comment s’y comporte un ballon libre ordinaire, système dont la forme, les dispositions d’ensemble et les matériaux peuvent varier à l’infini.

Assemblage de corps isolants et de corps bons conducteurs de l’électricité, le ballon peut, suivant les conditions atmosphériques, être assimilé tantôt à un mauvais conducteur, tantôt à un bon conducteur électrique. D’autre part, le milieu dans lequel il flotte peut être, suivant l’état de l’atmosphère et son ionisation, plus ou moins isolant.

Ces simples remarques montrent combien le problème est ardu, envisagé au seul point de vue de la physique. Mais il se rattache aussi étroitement - à la météorologie puisque les nuages, la brume, les courants ascendants jouent un rôle essentiel dans la formation du champ électrique terrestre, et cette dualité le complique encore.

Cependant, malgré ces complications, peut-être même à cause d’elles, la question qui s’est mise d’elle-même à l’ordre du jour dans ces derniers temps est d’un intérêt tel qu’un exposé même imparfait semble avoir son utilité. A défaut de solution, il montrera au moins les difficultés du problème. Nous essaierons de rendre cet exposé très élémentaire et aussi clair qu’il est possible en pareille matière.

Avant d’examiner comment le ballon se comporte dans le champ électrique terrestre, il est nécessaire de rappeler, en quelques mots, Les principales particularités de ce champ soit à l’état normal, c’est-à-dire par beau temps, soit à l’état troublé, lorsque interviennent les précipitations et les orages.

Disons tout de suite que si le champ électrique de la Terre a été étudié en des stations assez nombreuses dans ces 50 dernières années, il l’a été surtout à terre, à l’aide des observations faites au niveau du sol et dans quelques observatoires de montagne. Les ascensions en ballon libre qui semblent particulièrement indiquées sont rares.

Depuis l’ascension de Biot et Gay-Lussac, le 20 août 1804, qui avait pour but l’étude des déviations de l’aiguille aimantée. et que l’on peut comprendre dans la catégorie qui nous intéresse, nous comptons jusqu’en 1903 42 ascensions ayant en vue l’observation des phénomènes électriques. En tenant compte de quelques oublis de notre part, nous pouvons admettre un total de 50 ascensions en 100 ans. C’est un nombre d’autant plus modeste qu’il réunit les ascensions faites dans l’Europe entière. Et cependant, c’est grâce à ces ascensions que nous avons pu rectifier les erreurs fondamentales que l’on avait faites en déduisant des seuls résultats obtenus au niveau du sol le champ électrique en altitude.

La Terre est chargée d’électricité. Elle l’est quelquefois fortement. En été, au sommet des montagnes, sans qu’un orage soit à proximité, il n’est pas rare de voir les pointes métalliques et tous les objets bons conducteurs en communication avec le sol émettre des effluves analogues à ceux qui s’échappent des corps très fortement électrisés. Ce fait montre que la Terre est chargée d’électricité. Si l’on élève assez haut, à l’aide d’un cerf-volant, un fil métallique communiquant avec le sol, et si l’on insère dans le circuit un galvanomètre très sensible, on constate que le courant se dirige généralement du cerf-volant vers la Terre. On doit donc considérer la Terre comme chargée normalement d’électricité négative.

D’où vient cette charge ? At-elle été communiquée à la Terre à son origine et conservée par suite de son isolement pans l’espace ? Est-elle dissipée, puis renouvelée constamment par une sorte de bombardement corpusculaire provenant du soleil ou des régions interplanétaires ? Est-elle apportée par une radiation très pénétrante transportant avec elle des particules électrisées négatives ? Nous n’en savons rien.

Admettons le fait. Puisque la Terre est chargée d’électricité négative, une quantité d’électricité positive égale à l’unité placée à une certaine hauteur se dirigera vers le sol. Le champ électrique, c’est-à-dire la force qui sollicite cette masse électrique, est donc dirigé vers le bas. Variable suivant les circonstances locales, et probablement suivant la latitude, on peut regarder ce champ comme ayant une valeur comprise entre 100 et 200 volts par mètre. Ces limites s’entendent du champ normal, c’est-à-dire mesuré au niveau du sol et en plaine, sans précipitations et sans orage.

Irrégulier dans la couche atmosphérique de 0 à 1500 m, par suite des brumes et des poussières qui s’y trouvent à l’état permanent, le champ diminue ensuite nettement à mesure qu’on s’élève, et ce résultat, définitivement établi par les ascensions en ballon de Le Cadet en 1892-1897, est un des plus importants que l’électricité atmosphérique ait obtenus dans ces dernières années.

Au cours de sa dernière ascension, le 11 septembre 1897, ce savant observait à l’altitude de 4150m un champ de 11,2 volts par mètre, tandis que la valeur au niveau du sol, au même moment, était de 150 volts.

Le 11 mai 1905, Gerdien obtenait 2,9 volts à 5760 m, et le 30 août de la même année 7,9 volts à 6050 m.

Tirons tout de suite la conséquence de ce fait. Si la surface de la Terre était seule chargée d’électricité, le champ électrique de l’atmosphère serait sensiblement constant [1] jusqu’à une assez grande hauteur, ainsi qu’on peut s’en rendre compte par des considérations élémentaires. Puisque l’expérience indique une décroissance rapide, il faut admettre qu’il se trouve, entre le niveau du sol et l’altitude la plus élevée atteinte dans les ascensions que nous venons de rappeler, de l’électricité positive qui agit en sens contraire de la charge négative de la Terre pour diminuer la valeur du champ.

Cet affaiblissement du champ électrique à mesure qu’on s’élève nous conduit ainsi à l’existence de masses d’électricité positive libres, répandues dans l’air.

Mais, d’après ce que nous savons des phénomènes d’ionisation de l’atmosphère, nous devons considérer celle-ci comme parsemée de particules électrisées ou ions des deux signes, constamment produits sous l’effet des radiations émanées de la Terre et des espaces cosmiques. Il est donc naturel d’admettre que ces masses positives, dont l’existence est démontrée par la seule observation du champ électrique, représentent un excès du nombre des ions positifs sur le nombre des ions négatifs présents dans l’air.

C’est bien ce que l’on constate lorsqu’on compte par des moyens appropriés le nombre des ions des deux signes. On trouve normalement un excès d’ions positifs.

Nous devons en définitive nous représenter de la façon suivante le champ électrique terrestre, tout au moins jusqu’aux altitudes (relativement très faibles) que nous avons explorées.

La surface de la Terre est chargée d’électricité négative avec une densité égale en moyenne à 4 unités (électrostatiques) par m2.

Puis, disséminés dans l’atmosphère, produits à tout instant, et se recombinant sans cesse, des ions des deux signes, avec un excès d’ions positifs, tel, que dans une colonne de un m2 de section et de 6000 m de hauteur, la quantité d’électricité positive en excès est sensiblement égale à 3 unités.

Faisons deux parts des ions positifs, l’une qui est égale au nombre des ions négatifs et les annule électriquement, et le reste qui est libre et existe, on peut dire, indépendamment du temps. La partie qui est libre ou en excès constitue avec la charge négative de la Terre le Champ statique de l’atmosphère, et, dans ce champ, les ions des deux signes qui sont maintenant en quantités égales, se meuvent, les ions positifs vers le bas, dans le sens du champ, les ions négatifs vers le haut, en sens inverse du champ. Cette double migration, qui s’effectue sous la forme d’un véritable courant, forme en quelque sorte le champ dynamique normal de l’atmosphère.

Une difficulté se présente. Comment peut-il y avoir un excès d’ions positifs, puisque toute cause ionisante produit des quantités d’électricité des deux signes rigoureusement égales ? Il est nécessaire que cet excès positif ait son équivalent quelque part en électricité négative. Or, si nous rapprochons les deux nombres précédents, charge négative de la Terre, charge positive en excès contenue dans les 6000 premiers mètres de hauteur, nous constatons que ces deux nombres sont peu différents : Si, au lieu de nous arrêter aux 6000 premiers mètres, nous nous élevions à des altitudes plus grandes, nous trouverions pour l’électricité positive libre de l’atmosphère un nombre encore plus voisin de celui qui représente la charge négative de la Terre.

Il n’est donc pas impossible que la charge de la Terre représente précisément, en quantité négative, l’équivalent de la charge positive libre de l’atmosphère et, si nous considérons le champ dans son ensemble, nous pouvons l’assimiler à celui qui est produit par une couche double d’électricité, c’est-à-dire par deux strates d’électricité égaux et de signes contraires, dont l’un, le négatif, est confondu avec la surface de la Terre et dont l’autre, le positif, s’étale jusqu’à une certaine hauteur dans l’atmosphère.

La séparation de l’électricité en ces deux strates serait produite par une radiation spéciale très pénétrante, différente de celles qui causent l’ionisation ordinaire de l’air, et qui entrainerait avec elle les particules négatives jusqu’à la surface de la Terre.

Examiné sous cet aspect, le cycle électrique de l’atmosphère se déroule ainsi. Par l’effet de la radiation pénétrante et de la séparation des deux électricités qu’elle occasionne, il se forme normalement dans l’atmosphère un champ électrique qui est celui que nous mesurons. En même temps l’air est ionisé par d’autres radiations (radiation solaire ultra-violette, rayonnement des matières radioactives, rayonnements encore inconnus) et devient conducteur à la manière des gaz ionisés, Le champ tend donc à s’annuler et il n’est entretenu que par l’action constante de la radiation très pénétrante.

II. La brume et les nuages dans le champ électrique normal.

Sauf aux très hautes altitudes — et encore les exceptions ne sont pas rares — il faut considérer que l’atmosphère renferme en suspension un nombre considérable de particules solides ou . liquides : grains de poussières, cendres volcaniques, matières cosmiques captées par notre champ de gravitation, gouttes d’eau microscopiques, cristaux de glace, et qu’à toutes altitudes elle est parsemée d’atomes ou de molécules électrisés des deux signes qui constituent les ions.

Ces particules solides ou liquides captent les ions par diffusion de ces derniers. Certaines, bonnes conductrices de l’électricité, ’ou ayant un grand pouvoir inducteur, en attirent peut-être plus que les autres, par suite des charges développées par influence. Toutes s’électrisent.

Laissons de côté les particules solides et bornons-nous à examiner l’effet produit sur les gouttelettes liquides par l’ionisation’ de l’atmosphère. Ces gouttelettes sont chargées d’électricité pour deux raisons, d’abord parce que la vapeur d’eau se condense plus aisément sur les ions que sur les atomes à l’état neutre, et, parce que même à l’état neutre une gouttelette d’eau attire par sa seule induction une particule électrisée voisine.

Toutefois, puisqu’il existe normalement dans l’atmosphère des ions des deux signes, il semble qu’il n’y ait aucun motif pour que, après avoir capté un ion d’un certain signe, un ion positif par exemple, la goutte d’eau n’attire pas un ion de l’autre signe et revienne à l’état neutre. Il est même probable que ce cas est normal. Mais il existe une certaine quantité d’ions positifs en excès. D’autre part la surface de la Terre est chargée d’électricité négative. Pour ces motifs seuls - et nous allons voir qu’il y en a d’autres - il est à présumer qu’une goutte d’eau en suspension dans l’air pourra être finalement chargée d’électricité positive, et qu’une goutte d’eau entrainée par un courant ascendant à partir de la surface terrestre pourra être momentanément chargée d’électricité négative.

Voici une autre cause d’électrisation.

Nous avons vu que par l’effet du champ électrique terrestre et de l’ionisation, il existait dans l’atmosphère un véritable courant électrique vertical, transportant des ions positifs vers le bas, vers la surface de la Terre, et des ions négatifs vers le haut. Sur le trajet de ce courant, interposons une bande nuageuse formée de gouttes d’eau, bande nuageuse que nous supposerons pour plus de simplicité, horizontale et à bords parallèles. Sa présence troublera d’abord fort peu le champ électrique, mais elle agira comme un véritable filtre qui arrêtera au passage une grande partie des ions.

Les ions positifs seront arrêtés à la partie supérieure, et les ions négatifs à la partie inférieure. Transportée au loin, prenant par’ suite des courants atmosphériques toutes les formes possibles, séparée en plusieurs tronçons, cette masse pourra former de véritables nuages dont l’état électrique sera des plus variés.

Si, au lieu d’un banc nuageux isolé dans l’espace, nous supposons qu’il s’agisse d’un banc de nuage reposant sur le sol — c’est alors du brouillard — seule sa partie supérieure sera chargée d’électricité positive.

Ainsi un nuage, par le simple jeu du champ électrique de l’atmosphère et de l’ionisation, se charge d’électricité. Il est inutile de dire qu’il faut abandonner l’idée admise autrefois d’après laquelle le nuage est un corps bon conducteur de l’électricité. Le nuage renferme, il est vrai, des particules conductrices, sous forme de gouttes d’eau, mais l’air qui les sépare est un exellent isolant, et le volume occupé par l’eau liquide est, dans un nuage, tout à fait insignifiant comparé au volume de l’air. On doit plutôt considérer les nuages comme des corps isolants dans lesquels sont disséminées de petites sphères conductrices (c’est le type du diélectrique uniformément polarisé), et cette conception est fondamentale si l’on veut se faire une idée juste du nuage en électricité atmosphérique.

Si le nuage était un corps bon conducteur, il se neutraliserait immédiatement lorsqu’il entrerait en contact avec un nuage chargé d’une électricité contraire. Il n’en est rien. Un nuage garde longtemps la charge qui lui a été communiquée.

Considérons en effet un nuage uniquement chargé d’électricité positive .à sa surface, Par suite des mouvements internes de la masse nuageuse, les particules liquides superficielles pénètrent à l’intérieur, et on peut dire que, là, elles sont à l’abri d’une décharge ultérieure rapide. Le nuage pourra flotter dans l’air, entouré d’ions des deux signes. Les ions négatifs pourront peut-être annuler assez vite les charges positives des gouttes d’eau de la superficie, mais ils ne pénètrent (c’est un fait d’expérience remarquable) qu’en fort petit nombre à l’intérieur, et ce n’est qu’à la longue, par suite des mêmes mouvements qui ont mélangé toute la masse, que les gouttelettes reviendront à la surface où elles seront neutralisées.

Au surplus, si un nuage était un corps conducteur, il n’y aurait pas de champ électrique à l’intérieur, et l’expérience des ascensions aéronautiques démontre nettement le contraire.

Ce que nous venons de dire des nuages s’applique entièrement à la brume. Que celle-ci soit formée de particules solides ou liquides, elle s’étale généralement en nappes horizontales, qui reposent d’abord sur le sol, et sont entraînées ensuite dans l’atmosphère par le jeu des courants ascendants. Ces nappes se chargent d’électricité de la même manière que les bancs de nuages ou de brouillard dont nous venons de parler.

L’observateur qui fait des mesures d’électricité atmosphérique en ballon est parfois étonné de constater que ses appareils donnent tout à coup et sans motif apparent des indications capricieuses. Aucun nuage n’est visible … C’est un banc de brume qui est la cause de ce trouble, et si cette nappe est trop peu dense pour être distinguée en regardant verticalement vers le haut ou vers le bas, on la verra ordinairement se profiler à l’horizon en une mince ligne roussâtre à l’altitude où l’on se trouve.

C’est donc au voisinage des nuages ou des bancs de brume, et à leur intérieur, que, par temps ordinaire, on trouvera les champs électriques importants. Par temps ordinaire nous entendons une situation atmosphérique sans précipitations et sans orage.

Par des observations faites au niveau du sol, on constate le même effet et l’on peut déterminer le signe de l’électricité qui domine dans la masse nuageuse.

Si la Terre est chargée d’électricité négative, comme cela a lieu à l’état normal, un nuage positif ou un banc de brume positif passant dans le voisinage augmente le champ électrique, et, si l’on se sert d’un électroscope ordinaire, on voit les feuilles diverger davantage au moment du passage du nuage. Au contraire, si le nuage ou la brume est chargé négativement, le champ diminue. Il peut d’ailleurs changer de signe et devenir négatif avec des valeurs absolues considérables.

Nous citerons seulement deux faits d’observation se rapportant l’un au brouillard ou au nuage, l’autre à la brume.

A l’Observatoire du sommet du Pic du Midi, à 2860 m d’altitude, M. Marchand constate que le brouillard renforce généralement le champ dans des proportions considérables.

Dans ce cas, c’est-à-dire lorsque le brouillard arrive à l’altitude du Pic du Midi, comme dans ceux où l’Observatoire est enveloppé de nuages, on troupe toujours des valeurs très élevées au champ électrique, et il en est encore ainsi lorsque la mer de nuages est un peu plus basse que le Pic. (à 2800, 2750, ou même 2700) et n’envoie pas des vapeurs visibles sur les terrains de l’Observatoire.

La seconde observation se rapporte à la brume.

A l’Observatoire géophysique de Göttingen, lorsque la brume qui s’est déposée pendant la nuit sur les plaines commence à s’élever, l’électromètre qui donnait des indications très faibles marque rapidement des champs positifs de plus en plus élevés, et le maximum se produit peu de temps après que la brume a atteint la hauteur à laquelle est placé l’appareil. Le champ reste d’ailleurs, pendant toute la journée, notablement plus fort qu’il n’était lorsque l’atmosphère était claire et pure de toutes poussières.

Ces quelques indications montrent que les nuages, même par beau temps sont normalement chargés d’électricité et peuvent donner lieu à des champs intenses. Ces champs sont-ils dangereux ? Il semble que cela doit être l’exception, mais il est difficile de répondre d’une manière catégorique. Ceux qui ont effectué des mesures d’électricité. en ballon par beau temps n’avaient généralement en vue que l’étude du champ terrestre en dehors de toutes causes de trouble.

Les nuages étaient donc pour eux une gêne qu’ils cherchaient à éviter, et les appareils employés, avec une échelle de mesures très limitée, ne pouvaient donner des indications précises.

On voit donc, notées dans les relations de ces ascensions, des indications comme celle-ci : des lambeaux de nuages pénètrent dans la nacelle, l’appareil s’agite violemment ; ou encore, champ intense, champ très intense au bord d’un banc de brume, champ dépassant telle valeur et négatif, etc …. La perturbation est notée avec son signe, mais n’est généralement pas mesurée.

Il y a là une lacune importante. L’électrisation des nuages et de la brume étant aujourd’hui bien démontrée, même en dehors des phénomènes orageux, il est intéressant que des observations suivies soient faites pour en déterminer le signe et la grandeur.

2e partie - N°2636, 11 Octobre 1924

III. Le ballon libre dans le champ électrique normal.

Par le terme de « ballon » nous entendons le ballon libre ordinaire, de forme à peu près sphérique, construit en étoffe et flottant dans l’air sans attache avec le sol.

Quelle est la nature, au point de vue conductibilité électrique, des matériaux qui le composent ? Il semble que si l’on a attaché autrefois une grande importance à n’employer que des matériaux isolants ou tout au moins mauvais conducteurs : soie pour l’enveloppe, caoutchouc pour les ressorts de soupape, chanvre pour les cordages, bois, fibre, caoutchouc pour les soupapes, os, ivoire ou fibre pour les boulons, etc .. , on se soit assez peu préoccupé, par la suite, de cette homogénéité. La plupart des ballons libres renferment, à côté de matériaux isolants ou mauvais conducteurs, des accessoires métalliques tels que des ressorts à boudin en acier pour soupapes, des instruments de bord, des réservoirs d’oxygène pour la respiration à haute altitude, sans parler d’engins de manœuvre tels que l’ancre d’atterrissage. Certains ballons sont même rendus systématiquement bons conducteurs de l’électricité à leur surface, soit par un bronzage métallique, soit par un enduit au chlorure de calcium qui, absorbant l’humidité de l’air, détruit automatiquement la siccité de l’enveloppe favorable à son isolement électrique.

Il existe donc en fait, au point de vue électrique, toutes sortes de combinaisons et l’homogénéité est l’exception. On peut cependant se demander ce que vaut, au point de vue isolement, le ballon ordinaire normal constitué par une enveloppe en tissu de coton, un filet à cordages de chanvre, et une nacelle en osier. Nous citerons seulement les quelques expériences faites par Linke, un des observateurs qui a consacré à l’étude du champ.électrique de l’atmosphère le plus grand nombre d’ascensions, et que la question préoccupait en raison de la validité même des mesures qu’il effectuait. Cet auteur assure n’avoir pu électriser par frottement un échantillon du tissu de coton avec lequel était fabriqué le balllon, et constate qu’un électroscope chargé ; mis au contact d’une telle étoffe, est immédiatement ramené à l’état neutre.

Linke considère comme une chose exceptionnelle qu’un ballon confectionné avec une pareille étoffe puisse être isolant, et pense que cette éventualité ne peut être admise qu’en cas de sécheressé extraordinaire de l’air. En ce qui concerne les accessoires, cordages supportant la nacelle, osier tressé de la nacelle, le même auteur s’est assuré, au cours de ses ascensions, qu’ils étaient conducteurs de l’électricité même dans les couches les plus sèches et il conclut que le ballon ordinaire doit être considéré comme un conducteur au point de vue électrostatique.

Comme il faut prévoir tous les cas possibles, même ceux où l’atmosphère est d’une sècheresse exceptionnelle, ce qui n’est pas rare dans les couches élevées, il est bon de ne pas admettre une telle règle comme absolue, et, si l’on veut étudier la manière dont se comporte un ballon dans le champ électrique, il semble logique de faire les trois hypothèses : ballon bon conducteur, mauvais conducteur, c’est-à-dire isolant, et enfin semi-conducteur.

Les lois élémentaires de l’électricité statique permettent de calculer (au moins théoriquement) l’effet produit par un champ électrique sur un corps à l’état neutre appartenant à l’une des 3 catégories ci-dessus. Nous rappellerons simplement les résultats auxquels on arrive dans le cas d’un champ uniforme et d’un corps non chargé d’électricité ayant la forme d’une sphère.

Les 5 figures ci-dessus sont particulièrement instructives. La figure 1 montre l’effet produit par un champ électrique uniforme (représenté par des lignes équidistantes) sur une sphère absolument isolante et pleine, dont le pouvoir inducteur serait égal à celui du vide. Évidemment le champ n’est troublé en rien. Les surfaces de niveau du potentiel, représentées ici par des lignes, droites, passent au travers comme si le corps n’existait pas.

La figure 2 est établie dans le cas d’un champ uniforme et d’une sphère pleine non parfaitement isolante, c’est-à-dire ayant un certain pouvoir inducteur (ébonite, gutta, caoutchouc, etc.). Le champ, à l’intérieur de cette sphère, n’est plus égal à sa valeur primitive, comme tians le cas de l’isolant parfait. Il est affaibli, Les lignes de niveau sont plus écartées que dans le champ extérieur.

La figure 3 représente enfin une sphère conductrice dans un champ uniforme, sphère pleine ou creuse. Ce corps prend le potentiel moyen du champ, c’est-à-dire le potentiel de la surface qui, avant son introduction, passait par le point où est actuellement le centre. Nous avons figuré cette surface en trait grossi ; elle aboutit à la sphère et l’enveloppe entièrement. De part et d’autre, les surfaces de niveau sont fortement déviées, et elles se resserrent au-dessus et au-dessous, à la verticale du centre. Le champ électrique dont la grandeur est mesurée, comme on le sail, par la distance des surfaces de niveau, est donc augmenté en ces endroits.

Ainsi les 3 sphères, isolante, semi-isolante, conductrice, se rangent dans cet ordre par le trouble qu’elles occasionnent dans le champ préalablement uniforme.

Nous avons supposé que la sphère conductrice était à l’état neutre, c’est-à-dire ne renfermait d’autre électricité que celle développée par influence. Sicile est chargée d’électricité, le champ est encore renforcé. Chargée d’électricité négative, le champ devient plus considérable au-dessus. C’est ce que représente la figure 4. Une sphère positive, placée dans le champ uniforme, renforcerait au contraire le champ au-dessous d’elle.

Nous venons de parler de sphère chargée dans le champ électrique. Ceci nous amène à nous poser la question : un ballon ordinaire peut-il se charger d’électricité par temps normal, c’est-à-dire en l’absence de toutes précipitations ? Les faits répondent par l’affirmative. Le ballon libre, dans l’atmosphère, peut s’électriser et même s’électriser fortement. Nous rapporterons tout à l’heure un exemple tiré d’une observation personnelle.

On a donné de l’électrisation des ballons de nombreuses explications, et il faut bien constater cependant que nous sommes encore fort peu avancés en cette question. Tout d’abord, au départ, le ballon, étant le plus souvent conducteur de l’électricité au point de vue statique, emporte ’une certaine quantité d’électricité négative empruntée à la charge superficielle de la Terre.

Nous ne pouvons savoir s’il gardera longtemps cette électricité ; mais, flottant dans l’air où se trouvent des particules électrisées des deux signes, avec un excès de particules positives, il est probable que la charge négative sera bientôt neutralisée et que le ballon deviendra positif.

D’un autre côté, le jet de lest, solide ou liquide, agit à la façon d’un égaliseur de potentiel, et contribue à charger le ballon d’électricité.

Dans le champ électrique ordinaire de la Terre où une sphère conductrice se charge. par influence d’électricité positive dans le bas et d’électricité négative dans le haut, un égaliseur de potentiel, placé au pôle inférieur, annule toute la charge électrique positive, et la sphère reste chargée d’électricité négative. Le champ prend alors l’aspect représenté figure 4.

Il est utile de présenter ici une remarque au sujet du lest employé. Tous les observateurs qui ont fait des mesures d’électricité en ballon libre. sont d’accord pour reconnaître que le jet du lest de sable électrise le ballon, mais ils attribuent invariablement à cette électricité le signe positif, tandis que si le jet du sable opérait comme un égaliseur de potentiel, le signe dépendrait du sens du champ, et serait négatif dans le cas du champ terrestre normal.

Ebert qui, le premier, croyons-nous, a signalé celte particularité, l’explique par un phénomène analogue à l’électrisation de frottement (probablement frottement des particules de sable sur l’air) et estime que la charge produite sur le ballon peut être très élevée.

Il est possible encore, que, par suite de la plus. grande mobilité des ions négatifs et de leur plus grande vitesse de diffusion, ceux-ci soient entraînés par le sable en plus grand nombre que les positifs, auquel cas le ballon, entouré d’une atmosphère d’ions positifs, se chargerait positivement.

Quelle que soit la cause du phénomène il faut le regarder comme bien établi et faire une distinction entre le lest liquide (eau, alcool) et le lest de sable. Les deux contribuent à donner au ballon, au moment de la manœuvre, une charge électrique, mais le signe peut ne pas être le même.

On serait encore en droit de se demander si le frottement du filet du ballon sur l’enveloppe ne contribue pas à développer une certaine quantité d’électricité, mais nous avons vu, qu’avec les tissus de coton ordinaire, l’électrisation par frottement était peu à craindre.

Peut-être pourrait-on invoquer, parmi les causes . d’électrisation, les radiations solaires ultra-violettes qui agissent surtout aux grandes altitudes, et peuvent électriser le ballon de la même manière qu’elles électrisent certains corps, par exemple les aiguilles de glace des cirrus.

Enfin, pour ne négliger aucune cause, il faut envisager le cas où le ballon pénètre dans un nuage ou dans un banc de brume électrisé. Par le seul contact du ballon avec les particules électrisées du nuage ou de la brume, il emporte une certaine quantité d’électricité.

Nous ne savons si l’attention a été appelée sur un point qui nous semble particulièrement important.

Si l’enveloppe du ballon pouvait être considérée comme un corps bon conducteur dans toute sa masse, aucune charge électrique n’existerait sur la paroi interne. C’est une conséquence des lois de l’électrostatique.

Mais il n’en est pas ainsi. L’enveloppe d’un ballon est faite généralement de tissus de coton en une ou deux épaisseurs enduites de caoutchouc. On peut donc avoir, au point de vue électrique, plusieurs combinaisons. En voici une. Le tissu est sec à l’extérieur et isolant, tandis que la paroi interne est devenue conductrice par suite de l’humidité du gaz déposée sur cette paroi. Dès cc moment cette surface interne peut s’électriser (par exemple au moment du jet du lest) d’autant plus qu’elle est reliée à la nacelle par les cordes de manœuvre (corde de soupape, corde du panneau de déchirure).

Le ballon peut donc se charger d’électricité à l’intérieur. Bien plus, il peut, gardant cette charge interne et s’électrisant ensuite à l’extérieur, devenir un véritable condensateur avec tous les dangers que présentent deux masses électriques puissantes et prêtes à se recombiner.

Ayant passé en revue les divers modes d’électrisation du ballon, examinons rapidement les cas où le ballon, par temps normal, peut rencontrer un champ électrique intense.

Trois situations sont à prévoir : au voisinage ou à l’intérieur d’un nuage, au voisinage du sommet d’une montagne, à l’atterrissage dans un endroit quelconque.

Par temps normal, c’est-à-dire en l’absence de phénomènes orageux très nets, un nuage renferme des charges électriques. Sans doute il est rare que le champ devienne assez intense pour provoquer une étincelle (il faut environ 30000 volts par centimètre), mais l’état orageux de l’atmosphère n’est pas toujours indiqué par des manifestations évidentes telles que [a formation des cumulo-nimbus ou nuages d’orage. Par temps douteux il est donc prudent de considérer les nuages comme suspects, à moins que l’aéronaute n’ait des indications à ce sujet, comme pourrait lui en donner un petit électroscope placé à côté des autres instruments de bord et relié à une prise de potentiel au radium.

Le ballon, dans un champ intense, se trouve dans une situat ion d’autant plus dangereuse que la force électrique a sa plus grande valeur aux pôles du ballon, précisément à l’un des endroits où se trouve la soupape.

Le ballon très sec à l’extérieur, et humide à l’intérieur, peut se charger d’électricité sur sa paroi interne. Pénétrant ensuite dans un nuage chargé d’une électricité contraire, des phénomènes de condensation électrique dont nous avons parlé tout à l’heure interviennent qui peuvent provoquer une étincelle à l’endroit de la soupape, c’est-à-dire sur le trajet d’un gaz la plupart du temps inflammable,

Un phénomène analogue est susceptible de se produire lorsqu’un ballon passe dans le voisinage du sommet d’une montagne, ou d’une façon générale, en un point où le champ électrique a une valeur considérable.

En plaine, on admet que par beau temps le champ électrique a une valeur moyenne de 100 à 200 volts par mètre. Or, pour ne citer qu’un exemple, au sommet du Pic du Midi à 2860 m d’altitude, le champ normal est égal à 1350 volts par mètre. Et ce nombre qui ne représente qu’une valeur moyenne peut devenir quadruple ou quintuple, même en l’absence de manifestations orageuses.

Dans une ascension en pays de montagnes, un ballon libre peut être amené - par le simple jeu des courants ascendants et descendants de l’atmosphère - à frôler un sommet ou le rebord d’un plateau abrupt. Si, à ce moment, son guide-rope est développé, il peut se charger instantanément sur sa paroi externe d’une forte quantité d’électricité cl celle-ci suffire à provoquer une étincelle par recombinaison avec une charge de signe contraire restée isolée sur le ballon en n’importe quel endroit, ou même localisée à son intérieur, comme nous l’avons expliqué.

Cette recombinaison des deux électricités, l’une maintenue sur le ballon et isolée, l’autre fournie par le nuage, la brume ou la surface de la Terre semble jouer le principal rôle dans les phénomènes d’inflammation qui se produisent sans cause apparente, en particulier dans les accidents observés à l’atterrissage.

Peut-être n’est-il pas inutile d’en rapporter un exemple dont nous avons été nous-même le témoin.

Quelques instants après avoir atterri en septembre 1907, près de Mimizan dans les Landes, le ballon « Ville-de-Bruxelles » [2] avec lequel nous étions parti, la veille au soir, de Bruxelles, prend feu instantanément. L’enveloppe était allongée sur le sol et déjà un peu ramassée sur elle-même en un long fuseau, la soupape et le cercle. d’appendice enlevés. Il ne restait plus à l’intérieur qu’une petite quantité de gaz puisque le panneau de déchirure avait été tiré. Tout à coup une flamme jaillit et parcourt le. ballon d’une extrémité à l’autre ct l’enveloppe est en feu.

Cet accident n’a pu être causé que par la recombinaison d’une charge électrique restée isolée sur le ballon (il. faisait très sec et le sol était recouvert d’aiguilles de sapin) ou localisée peut-être à l’intérieur, avec la charge électrique de la Terre. Si nous supposons qu’une charge, pouvant d’ailleurs être assez faible, soit distribuée à l’intérieur d’un ballon lorsque celui-ci est gonflé et à peu près sphérique, la densité atteindra une valeur considérable lorsque le ballon dégonflé et à terre est ramassé sur lui-même (comme dans le cas actuel), puisque la même quantité d’électricité est alors répartie sur une surface beaucoup plus petite. La mise au sol d’une pareille charge peut entraîner une étincelle et en enflammer le gaz.

Est-il possible d’éviter ces charges qui, non seulement troublent les mesures d’électricité atmosphérique en ballon, et en dénaturent le sens, mais peuvent devenir dangereuses. On a cherché à résoudre la question par l’usage des égaliseurs de potentiel.

Une sphère conductrice à l’état neutre placée dans un champ électrique uniforme se met d’elle-même au potentiel moyen du champ (fig. 3). Dans la moitié inférieure la char.ge électrique est positive (le champ étant supposé dirigé vers le bas), dans la moitié supérieure elle est négative et les deux charges sont égales. C’est l’électrisation par influence. Si, par un procédé quelconque, par exemple au moyen d’un égaliseur de potentiel, nous conservons à cette sphère ce potentiel moyen, une charge supplémentaire quelconque communiquée au ballon ne se maintiendra pas. Celui-ci reviendra à l’état neutre, portant ses deux charges égales et de signes contraires.

Par ce procédé, nous éliminons les charges que le ballon peut prendre sous l’effet des causes accidentelles telles que le passage dans un nuage électrisé, le jet de lest de sable, etc., pour ne conserver que la charge due à l’électricité par influence.

Si l’égaliseur de potentiel fonctionne au pôle inférieur du ballon, la densité est nulle en ce point, et le ballon se charge d’électricité négative (fig. 4). Son potentiel est celui de l’air au voisinage du pôle inférieur. Si l’appareil fonctionné au pôle supérieur, c’est-à-dire vers la soupape, la densité électrique devient nulle en ce point et le ballon se charge d’électricité positive (toujours dans l’hypothèse du champ terrestre normal). Son potentiel est celui de l’air au voisinage de la soupape.

De toutes façons, l’état électrique du ballon n’est plus en quelque sorte arbitraire. Il dépend du champ dans lequel il flotte et la densité électrique maximum est directement proportionnelle à ce champ.

Généralement, pour des raisons de commodité, on fixe l’égaliseur de potentiel à la nacelle, sur son rebord ou à sa partie inférieure (fig. 5). De cette manière le ballon se met au potentiel de la nacelle et celle-ci très sensiblement au potentiel de la couche d’air qui l’entoure.

Si le ballon descend avec une lenteur suffisante, le ballon tout entier est à un potentiel très voisin de celui de la Terre au moment de l’atterrissage et tout danger d’inflammation est écarté.

En théorie le procédé ne laisse rien à désirer, à une condition essentielle toutefois, c’est que toutes les parties du ballon soient parfaitement reliées entre elles au point de vue électrique, c’est-à-dire que le ballon soit assimilable à un corps conducteur.

La conductibilité des enveloppes, au moins sur leur partie-externe, a été tentée de plusieurs manières, soit. par bronzage métallique, soit par mouillage par le chlorure de calcium. Mais il faudrait, nous l’avons fait remarquer, que l’enveloppe soit aussi conductrice dans la masse, ce qui n’est pas le cas. Et le ballon, quoique conducteur à l’extérieur, peut s’électriser à l’intérieur à la façon d’un condensateur sphérique.

En outre la parfaite conductibilité d’une enveloppe n’est pas sans inconvénient L’égaliseur peut fonctionner mal ou trop lentement. Au voisinage d’un nuage très fortement électrisé, le potentiel du ballon diffèrera alors de celui des couches d’air voisines et le champ renforcé par la présence d’un corps bon conducteur pourra devenir plus intense que si le ballon était fait d’une matière isolante ou demi-isolante. Et dans le cas où une étincelle s’amorcerait, la quantité d’électricité répandue sur la surface de l’enveloppe se déplacerait instantanément et en masse en donnant au courant une intensité plus grande.

Pour ces raisons et d’autres qu’il serait trop long d’exposer, on comprend que la question de l’emploi d’un égaliseur de potentiel ne soit pas aussi simple qu’elle semble au premier abord et que les avis puissent être partagés.

3e partie - N°2637, 18 Octobre 1924

IV. L’électricité atmosphérique par temps troublé. - Les précipitations et les orages.

Puisque les nuages ou plutôt les gouttes d’eau qui les composent renferment normalement des charges électriques, il est à prévoir que la pluie doit être électrisée. C’est ce que l’on constate, en effet, en recevant les gouttes de pluie dans un récipient isolé relié à un électromètre quelconque. On observe également que la neige, la grêle, le grésil, en un mot toutes les précipitations portent avec elles des charges électriques.

Inversement, du fait que la pluie est électrisée, on pourrait conclure que les nuages le sont d’ordinaire.

Afin de donner une idée des charges que transporte la pluie, le plus simple est de les comparer avec celles que l’on rencontre à la surface de la Terre ou dans l’atmosphère lorsqu’il ne pleut pas.

Par temps normal, la charge superficielle de la terre est négative et égale à 4 unités (électrostatiques) par mètre carré. En outre, dans une colonne d’air de 1 m2 de section et de 6000m. d’élévation reposant sur le sol, la charge libre (excès des charges des ions positifs sur les charges des ions négatifs) est positive et égale en chiffres ronds à 3 unités.

Si cette quantité était uniformément répartie dans toute la hauteur, elle correspondrait à 0,0005 unités par mètre cube. Mais en réalité, la répartition n’est. pas uniforme ; la densité est plus grande en bas qu’en haut, de telle sorte que la charge positive par mètre cube est voisine de 0,01 unité dans les couches inférieures de l’atmosphère. On doit considérer cette électricité comme attachée aux molécules gazeuses ou aux ions de l’atmosphère.

Or, quand il pleut, outre la charge positive propre des ions de l’air, l’unité de volume renferme la charge répartie sur les gouttes de pluie. Les nombres qui représentent cette dernière sont très variables et dépendent à la fois de la nature de la pluie, de la grosseur des gouttes et du nombre des gouttes. Toutefois, pour fixer les idées, on peut admettre que, lorsqu’il pleut, on troll’ e dans un mètre cube d’air, attachée aux gouttes, une quantité d’électricité de l’ordre de 0,01 à 1 unité (électrostatique), cette charge pouvant augmenter jusqu’à 10 unités pendant les pluies orageuses, et même dépasser ce nombre.

Le fait à retenir est donc le suivant. Si les quantités d’électricité que là pluie apporte avec elle sont parfois du même ordre de grandeur que celles que l’on rencontre dans l’air, on en trouve dans certains cas d’incomparablement plus grandes (1000 fois plus grandes au moins).

Et si les faibles charges des précipitations peuvent s’expliquer simplement par la présence des ions de l’atmosphère ou par l’électrisation normale des nuages et de la brume, il n’en est plus de même pour les charges intenses des pluies orageuses.

L’explication de ces dernières fait intervenir un phénomène nouveau lié au développement du nuage orageux, le cumulo-nimbus des météorologistes.

Nous expliquerons sommairement, d’après Simpson, le mécanisme de la formation des champs électriques orageux dont l’importance au point de vue de l’aéronautique n’est pas douteuse.

Les figures 1 et 2 montrent la forme type du nuage d’orage. Entouré d’une série de volutes puissantes accumulées les unes sur les autres et pouvant atteindre une grande altitude, il est surmonté d’une partie tout à fait caractéristique, ressemblant à un éventail déployé ou à une enclume. Les volutes énormes témoignent de la quantité considérable de vapeur d’eau humide qui s’est rassemblée autour du nuage, et la partie en éventail, véritable jet d’eau alimenté par la masse d’eau environnante, montre la puissance du mouvement ascendant qui peut s’y développer. La hauteur du nuage, comptée de la base au sommet, peut dépasser 4000 m. Elle atteint parfois 5 et 6000 mètres.

Emportées par le courant ascendant, les gouttes d’eau déjà formées grossissent rapidement, alimentées par la vapeur d’eau qui se condense et par d’autres gouttes voisines qui s’unissent entre elles. Mais le mouvement ascendant Ile garde pas dans toute l’épaisseur du nuage la même intensité. Il se l’alentit à partir d’une certaine hauteur et sa vitesse verticale n’est bientôt plus suffisante pour soutenir les grosses gouttes. Seules, les gouttes plus petites continuent à progresser vers le haut.

En tombant, les gouttes les plus grosses pénètrent dans l’espace où le mouvement ascendant de l’air est violent. Elles se brisent pour la plupart. Certaines continuent néanmoins à descendre et atteignent la surface de la Terre. Les autres sont reprises, emportées vers le haut, et la même évolution se poursuit, les gouttes les plus grosses s’accumulant vers le bas du nuage ou tombant sur la Terre, les plus petites se réunissant vers le sommet.

Au moment du brisement des gouttes, intervient le phénomène particulier qui leur donne leur électrisation.

On avait constaté depuis longtemps que les mesures d’électricité atmosphérique étaient troublées dans le voisinage des chutes d’eau ou des cascades, mais le fait était resté slins explication. C’est en reproduisant ce phénomène en petit dans le laboratoire et en provoquant l’éparpillement artificiel des gouttes d’eau que le physicien Lenard a découvert qu’une goutte d’eau en se brisant sur un plateau métallique se charge d’électricité positive, tandis que l’air devient négatif. Ce résultat peut être complété par une observation importante de Lord Kelvin, à savoir que l’air ayant barboté dans une masse d’eau, en sort chargé d’électricité négative, tandis que l’eau est positive. Ce fait est en quelque sorte la contre-partie du premier,

Revenons au nuage orageux. Lorsqu’une goutte d’eau se brise en retombant vers la partie inférieure du nuage, les gouttes résultantes se chargent d’électricité positive, tandis que les ions négatifs libérés sont aussitôt captés par les gouttelettes du nuage fort nombreuses comparativement aux gouttes déjà constituées. Nous avons ainsi un mélange de gouttes d’eau positives et de gouttelettes incomparablement plus petites chargées négativement.

L’ensemble des gouttes positives et des gouttelettes nuageuses négatives est repris pal’ le courant ascendant. Par suite de leur faible masse, les gouttelettes négatives vont pour la plupart vers le sommet du nuage, alors que les gouttes positives ayant déjà un diamètre relativement grand, retombent à un moment donné et se brisent de nouveau dans les mêmes conditions que la première fois en libérant encore des ions négatifs et en prenant ainsi une nouvelle charge électrique.

On comprend qu’un tel mécanisme, fonctionnant pendant un temps suffisant, arrive à séparer des quantités d’électricité considérables et à faire naître un champ très intense. D’après ce processus, il se constitue dans le nuage deux zones distinctes, en bas une zone d’électricité positive, en haut, une zone d’électricité négative plus étendue.

La pluie du début de l’orage, celle qui est formée de gouttes d’eau passant au travers du courant ascendant, doit donc être positive. Au contraire, la pluie de la fin de l’orage ou de l’arrière du nuage, pluie plus douce et plus tranquille doit être en majeure partie négative. C’est ce que l’on a constaté à maintes reprises.

Figurons dans un nuage orageux : les deux : zones positive et négative. D’après cette disposition (voir fig. 3), il semble que le champ doit être le plus intense au milieu du nuage dans la partie située entre la zone positive et la zone négative.

Ce serait vrai si le nuage orageux avait une faible épaisseur. Mais ce nuage atteint et dépasse sou vent 3 et 4000 m., hauteur comptée entre sa base et son sommet. L’écartement des deux plages d’électricité de signes contraires est donc relativement grand, et c’est plutôt auprès d’une de ces zones, en particulier au-dessous du nuage, entre sa base et la terre que le champ électrique est généralement le plus intense et donne lieu à la plupart des phénomènes de décharges atmosphériques.

Lorsque le temps est orageux, on aperçoit parfois un certain nombre de nuages de cette catégorie. Si plusieurs de ces nuages se trouvent placés non loin les uns des autres, ils peu vent donner lieu à des éclairs horizontaux ou inclinés jaillissant entre deux nuages chargés de signes contraires. Dans un nuage, les éclairs peuvent encore se produire, comme on l’observe parfois entre la partie positive et la partie négative.

Il est impossible d’assigner au champ électrique une valeur précise dans le voisinage d’un nuage orageux, Déjà, à la surface de la Terre, lorsque le temps est sous la dépendance d’un orage, les déviations des appareils enregistreurs indiquent des différences de potentiel de plusieurs milliers de volts par mètre, et, sous le nuage lui-même,.elles peuvent atteindre 20 à 50000 volts par mètre.

Quelque considérables que soient ces valeurs, elles ne suffiraient pas à expliquer les décharges qui se produisent sous forme d’éclairs entre deux points éloignés de un ou plusieurs kilomètres, puisque le champ nécessaire pour vaincre la résistance de l’air et provoquer l’effluve est de 30 000 volts environ par centimètre.

Si l’on appliquait brutalement à l’atmosphère le résultat des expériences de laboratoire, il faudrait que sur une distance de plusieurs kilomètres existât un champ de 30000 volts au moins par centimètre. On arriverait à des dillérences de potentiel inconcevables, et l’on a calculé que si elles se réalisaient, la force électrique mise en jeu suffirait pour retarder ou accélérer d’une manière très nette la vitesse de chute des gouttes de pluie pendant les orages, fait que l’on n’a jamais observé.

Il semble donc que le mécanisme de l’éclair est différent. Lorsqu’un nuage orageux est en action, c’est-à-dire lorsque le mouvement ascendant est formé, il existe sous le nuage une zone de pluie atteignant généralement le sol, mais pouvant s’évaporer en chemin et rester ainsi il une certaine hauteur au-dessus du niveau de la Terre. Même en l’absence de pluie, l’air est parsemé en cet endroit de gouttelettes très filles auxquelles s’ajoutent les poussières enlevées au sol par les mouvements tourbillonnaires. Par suite du champ électrique déjà intense, il existe sous le nuage une région où les surfaces de niveau sont très resserrées. Qu’il vienne à se produire, par suite de l’agglomération des poussières ou d’une série de gouttes de pluie très rapprochées, une sorte de sillon vertical conducteur, les surfaces de niveau sont déviées (fig. 4) et se rapprochent encore comme il arrive dans le cas d’une sphère conductrice placée dans un champ uniforme. La valeur du champ peut alors dépasser la valeur critique et I’effluve se produire au bas de ce sillon. Cet effluve indique que l’air est devenu conducteur. Le sillon est donc augmenté de longueur, d’où déviation plus grande des surfaces de niveau, et ainsi de suite. A partir de ce moment, l’éclair se nourrit pour ainsi dire de lui-même et prend l’aspect de la décharge disruptive.

Cet aperçu montre pourquoi une partie de l’atmosphère rendue conductrice dans le voisinage d’un nuage orageux peut favoriser la formation de l’éclair ou créer une branche latéral.

Le fait suivant servira d’exemple à cet égard. Vers 1906, pendant un tir contre la grêle effectué. en Bourgogne au moyen de canons paragrêles ordinaires lançant un tore gazeux, un canonnier a été trouvé mort près de la baraque qui abritait ses munitions et celles-ci explosées. On attribua tout d’abord l’accident à la déflagration fortuite de la poudre, mais un examen plus attentif des choses a fait admettre une toute autre cause ; le tir du canon paragrêle aurait provoqué la chute de la foudre et fait exploser les munitions. Dans ce cas, on doit supposer que les gaz chauds lancés par le canon, fortement ionisés, ont formé une sorte de colonne conductrice analogue au sillon vertical que nous envisagions tout à l’heure, et servi d’amorce à un éclair.

V. Le ballon dans le champ orageux.

L’examen de la position d’un ballon dans un champ orageux semble superflu au premier abord, car l’aéronaute doit toujours faire en sorte d’éviter l’orage.

Le ballon se trouve un peu dans la situation d’un navire vis-à-vis d’un typhon. Le bâtiment doit chercher avant tout à l’éviter, car, entraîné dans son rayon d’action, la meilleure manœuvre peut lui être fatale.

Néanmoins, il y a des degrés dans l’orage. Un ballon peut se trouver en l’air par temps orageux et ne subir aucun dommage ; l’expérience de tous les [ours le démontre suffisamment.

Par temps orageux, les météorologistes désignent généralement celui où l’on voit se former de divers côtés des cumulo-nimbus, au développement régulier et lent (fig. 1). Les nuages restent immobiles ou ne sont entrainés qu’à faible vitesse par les courants atmosphériques Pendant ce temps, des crépitements sont perçus aux écouteurs de T. S. F.

Dès que le tonnerre se fait entendre, l’orage, au point de vue météorologique, est déclaré.

Si l’orage se développe suivant une ligne d’une étendue plus ou moins grande et se déplace rapidement avec un front bien marqué, on a affaire au grain orageux, météore des plus dangereux à tous points de vue.

Il est certain que si, par temps simplement orageux, le ballon peut trouver n’importe où dans le voisinage du sol des champs électriques intenses et dangereux, il semble à première vue beaucoup plus en sécurité en l’air. Ceci peut être considéré comme vrai à la condition que le ballon soit éloigné de tous nuages, aussi bien horizontalement que verticalement, et sauf circonstances spéciales.

C’est ce que l’on constate le plus souvent. Les ballons libres se sont maintes fois trouvés en l’air par temps simplement orageux ou avec orage lointain sans éprouver aucun accident. Fixer une distance du nuage à laquelle commence le danger est impossible. Un raisonnement simple indiquerait comme distance horizontale minimum une distance égale à la hauteur de la base du nuage au-dessus du sol, mais il n’y a rien d’absolu et prescrire une règle serait imprudent.

Il pourrait arriver par exemple qu’un banc de brume, une trainée presque invisible de fumée ou de poussières existât entre le nuage et le ballon même éloigné du nuage et qu’il se formât ainsi une sorte de trait conducteur que l’éclair. emprunterait pour aboutir au sol ou à un autre nuage. L’hypothèse est sans doute peu probable, mais nos connaissances sur le champ électrique par temps troublé sont si incertaines encore que les situations les moins probables peuvent être envisagées.

Dans le voisinage immédiat du nuage orageux, que l’orage soit ou ne soit pas encore déclaré, tout est danger.

Danger des précipitations. - Le ballon peut recevoir la pluie, la neige ou la grêle et conserver sur son enveloppe une partie non négligeable de ces précipitations. Celles-ci sont très fortement chargées d’électricité pendant les orages. L’électrisation qu’elles donnent au ballon peut provoquer une étincelle par recombinaison avec l’électricité contraire localisée dans le nuage.

Danger provenant des charges antérieurement portées par le ballon. - Le ballon, en temps ordinaire, est généralement électrisé. S’il a manœuvré ct jeté du lest dans un champ électrique intense, la charge peut être considérable. En présence d’une électricité contraire du nuage orageux, une étincelle peut éclater.

Danger des charges intérieures du ballon. - Nous avons montré que le ballon pouvait dans certains cas s’électriser sur sa paroi interne devenue momentanément conductrice. Si la face extérieure de l’enveloppe se charge d’électricité de signe contraire, comme cela peut arriver dans le voisinage du nuage orageux, le ballon devient un énorme condensateur et une étincelle peut jaillir aux endroits où les deux armatures sont voisines (par exemple, vers la soupape ou vers l’appendice).

Danger de l’éclair lui-même. - D’après la théorie de l’éclair que nous avons exposée, on comprend que le ballon placé près d’un nuage d’orage ou entre ce nuage et la Terre favorise la production de l’éclair, puisqu’il renforce par sa seule présence le champ électrique. Il peut donc constituer une amorce pour l’éclair. Il peut aussi favoriser de la même manière une branche latérale d’éclair se raccordant au tronc principal, et le danger est le même.

Danger du voisinage de l’éclair. - Même si le ballon ne se trouve pas sur le trajet d’un éclair ou d’un de ses embranchements, le voisinage de l’éclair peut occasionner un abaissement brusque et formidable du potentiel tout autour du ballon et créer un champ dangereux avec production d’étincelles.

Danger du voisinage du sol, - Près du sol, par temps orageux, nous avons montré que le danger est déjà grand. Sous le nuage, il est de même nature que dans les environs du nuage. Si le guide-rope traîne à terre et que l’enveloppe soit mouillée, le ballon est dans la situation d’un ballon captif. Il réalise un énorme paratonnerre et le danger est évident.

Près du sol, mais sans toucher le sol de son guide-rope, le ballon mouillé peut favoriser encore la formation d’un éclair en renforçant le champ dans un endroit déjà menacé (resserrement des lignes de niveau et par suite augmentation du champ par un corps conducteur).

Danger d’un mouvement ascensionnel sous le nuage. - Par cette manœuvre, le ballon produit dans l’air un sillon de gaz qui peut être meilleur conducteur que l’air et constituer une sorte de gaine conductrice pour la décharge atmosphérique.

Danger de l’hydrogène à proximité d’un nuage orageux. - Tous les gaz n’offrent pas la même résistance au passage de l’étincelle. L’air est moyennement résistant et l’hydrogène moins résistant. Si nous prenons comme unité la résistance de l’hydrogène, celle de l’air est égale à 2 en chiffres ronds.

Donc, la présence d’une certaine quantité d’hydrogène échappée d’un ballon dans le voisinage d’un nuage d’orage peut abaisser le champ critique et provoquer une étincelle ou amorcer un éclair.

Puisque le danger, au voisinage d’un nuage orageux, paraît aussi considérable, il semble que la première précaution à prendre est d’éviter à tout prix ce voisinage.

Dans le cas des situations orageuses ordinaires, correspondant à ce qu’on appelle communément les orages de chaleur, où les nuages évoluent et se développent lentement, l’aéronaute a une certaine marge de temps pour manœuvrer.

Le cas des grains orageux renferme plus de danger, car l’orage peut arriver rapidement et gagner le ballon de vitesse. En outre, les nuages du grain orageux forment souvent un front à peu près continu que le ballon évitera, difficilement à moins (peut-être) qu’il ne se trouve à une grande altitude.

Il est donc de la plus grande importance de surveiller l’horizon, et, si par temps douteux, orienté ou non vers l’orage, le ciel prend au loin l’aspect menaçant caractéristique du grain, cette teinte plombée qu’il suffit d’avoir remarquée pour la reconnaître au plus petit indice, il faut manœuvrer sans retard.

Il ne nous appartient pas de conseiller une manœuvre quelconque, ni de décider s’il vaut mieux atterrir que monter à une haute altitude. Les circonstances interviendront sans doute. Mais si la montée est décidée, opération très délicate lorsqu’un grain ou un orage approche, il faut être certain qu’elle sera terminée à temps et qu’elle s’opèrera loin des nuages, et non sous les nuages, toute masse nuageuse devant être regardée comme suspecte par temps d’orage.

Il semble, d’après cet exposé sommaire, qu’un ballon ne puisse qu’exceptionnellement sortir indemne du voisinage immédiat d’un nuage orageux et cependant les ballons qui se sont trouvés engagés dans une situation semblable n’ont pas tous été, loin de là, atteints par la foudre.

Bien plus, il est arrivé que des ballons ont été lancés intentionnellement dans des nuages d’orage, à seule fin de les faire exploser et qu’ils ont résisté à l’épreuve.

Ces curieuses expériences que nous rappellerons ici pour terminer, ont été faites par M. Violle, le savant physicien, qui voulait se rendre compte de cette manière si la détonation d’un mélange explosif au sein d’un nuage orageux pouvait arrêter la formation de la grêle. Au lieu de faire exploser le ballon artificiellement au moyen d’un détonateur quelconque qui aurait pu agir avec plus ou moins de retard, il semblait naturel de provoquer une étincelle entre le nuage orageux et le ballon.

Aucune précaution n’avait été négligée pour réussir. Les ballons en caoutchouc étaient gonflés avec de l’air et de l’hydrogène, afin de constituer un mélange détonant, et des feuilles d’étain étaient collées sur leur face externe pour les rendre conducteurs. M. Violle reconnaît que ses tentatives pour provoquer une explosion par la foudre furent vaines.

Ce n’est pas pour atténuer la défiance que l’on doit avoir des nuages d’orage que nous avons cité ce fait, mais pour montrer que les phénomènes d’électricité orageuse sont complexes et encore mal connus.

Nous rappelions au début de ces notes combien était faible le nombre des ascensions en ballon consacrées à l’étude du champ électrique de l’atmosphère.

Il est naturel d’admettre qu’avec les moyens accrus dont dispose aujourd’hui la science aérienne, soit à l’aide des ballons-sonde, soit à I’aide des ballons libres ; des ballons captifs et des avions, il soit possible d’aborder avec plus d’avantages cette difficile étude. Ses résultats serviront à la fois le développement de la physique de l’atmosphère et la pratique de l’aviation et de l’aérostation. Les lignes qui précèdent ont suffisamment montré de combien d’obscurités sont encore parsemées nos connaissances en cette matière.

ALBERT BALDIT

[1En réalité il diminuerait, mais insensiblement dans la région qui nous intéresse.

[2Piloté par l’excellent aéronaute belge L. de Brouckère

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