Le télégraphe sans-fil de Braun-Siemens et Halske

E. Guarini, La Nature N°1511, 10 Mai 1902
Samedi 25 avril 2009 — Dernier ajout lundi 4 mars 2024

MM. Slaby-Arco, dont nous avons décrit le système [1], ne sont pas les seuls savants qui, en Allemagne, s’occupent de la question, très intéressante et en ce moment à l’ordre du jour, de la télégraphie sans fil. Depuis de longues années déjà, M. Fernand Braun, professeur à l’Université de Strasbourg, d’abord seul, ensuite en collaboration avec la Société Siemens et Halske, s’occupe de la nouvelle télégraphie et en général des vibrations électriques qu’il classe en trois groupes. Le premier groupe comprend les vibrations obtenues par le déplacement relatif d’aimants et de bobines. Ce sont les courants alternatifs industriellement employés pour la production de la lumière et la transmission de la force. Un second groupe de vibrations a été étudié par Feddersen. Ce sont celles consistant en oscillations produites par la décharge d’une bouteille de Leyde, liée ou non à une bobine d’induction. La fréquence de ces oscillations est comme on sait considérablement plus grande que la fréquence des courants alternatifs. M. Braun classe enfin, dans un groupe différent, le troisième, les oscillations hertziennes, dont la fréquence est de beaucoup supérieure à celle que présentent les vibrations de Feddersen. Jusqu’ici, presque tous les expérimentateurs ont utilisé les ondes hertziennes pour les transmissions télégraphiques sans fil. Leur emploi présenterait l’inconvénient de nécessiter l’absence de tout obstacle matériel entre les deux stations correspondantes. D’après les expériences de plusieurs chercheurs, notamment du professeur Slaby, les obstacles interposés entre transmetteur et récepteur affaiblissent et suppriment souvent complètement les communications. L’utilisation des vibrations de moindre fréquence, produites à l’aide de bouteilles de Leyde, ne présente pas, d’après M. Braun, les mêmes inconvénients. M. Braun prétend que, gràce à leur plus grande longueur d’onde, ces vibrations traversent les obstacles, même métalliques, pourvu, bien entendu, que ces derniers soient de faible épaisseur. Quoi qu’il en soit, M. Braun, depuis ses premières recherches et jusqu’à la dernière forme de dispositifs installés par MM. Siemens et Halske, a eu comme idée fondamentale l’adjonction de condensateurs, en plus ou moins grand nombre, dans le circuit vibratoire. — Notons en passant, que c’est grâce à l’adjonction de condensateurs que l’A. E. G. a pu dernièrement communiquer, grâce au système Slaby-Arco, à des distances allant jusqu’à 200 kilomètres et que Marconi a pu, en 1901, établir des communications télégraphiques sans fil entre Biot et Calvi (avril 1901 ) à la distance de 175 kilomètres environ et entre Sainte-Catherine dans l’île de Wight et le cap Lizard (janvier 1901) à une distance de 500 kilomètres. C’est aussi par l’adjonction de condensateurs à son transmetteur que Marconi a effectué, le 12 décembre 1901, sa tentative transatlantique de communication télégraphique sans fil. Pour la moindre des distances indiquées, c’est-à-dire 175 kilomètres entre Biot et Calvi, la droite joignant le sommet des antennes (60 mètres) des deux postes passe, d’après un calcul fait par le capitaine Ferrié, du génie militaire français, à 500 mètres au-dessous de l’eau. Dès lors, on peut se demander, puisque l’eau de mer a dû produire une grande absorption de l’énergie des rayons électro-magnétiques, si l’emploi des condensateurs a été avantageux, principalement parce que les ondes de grande longueur traversent presque sans absorption des obstacles tels que l’eau de mer,’ ou bien’ parce que, en augmentant par des condensateurs la capacité C, dans le circuit de décharge, on augmente l’énergie mise en mouvement par l’étincelle, ce qui permet de faire face aux pertes, par absorption, de la part des obstacles, tels que l’eau de mer.

Les dispositifs de télégraphie sans fil de Braun sont aussi nombreux que variés. Nous avons dit quelle est la caractéristique du transmetteur Braun : l’emploi de grandes longueurs d’ondes, obtenues par l’adjonction de condensateurs. Nous ajouterons que dans les nouveaux dispositifs la transmission a lieu tantôt par conduction à la surface de l’eau et de la terre (d’après l’auteur du moins, qui a fait des essais sans antennes à 2 kilomètres environ sur l’eau) tantôt par radiation à. travers l’air. Dans ce dernier cas, M. Braun, comme d’autres expérimentateurs, Marconi, Slaby, Guarini, a trouvé, avantageux d’accroître la surface de l’antenne réceptrice, La raison en est évidente : en agrandissant la surface utile, c’est-à-dire exposée aux ondes, de l’antenne réceptrice, on augmente son pouvoir de capter un plus grand nombre de rayons électromagnétiques, c’est-a-dire l’energie induite qui doit actionner le cohéreur.

Enfin la dernière forme de l’appareil Braun-Siemens et Halske, et grâce auquel on a pu échanger des communications sans fil à des distances considérables, est représentée dans les figures 1 et 2. On y remarque l’absence de prises de terre, ce qui démontre que la transmission n’a pas lieu par le sol ou la mer. Le transmetteur Braun (fig. 1) est donc ainsi composé : le primaire d’une bobine d’induction (non indiqué dans la figure) est mis en circuit avec une source de courant électrique variable, constituée par une machine à courants alternatifs ou bien par une source de courant continu (dynamos, piles ou accumulateurs), rendu intermittent par un interrupteur, généralement l’interrupteur Wehnelt. Le secondaire de la bobine d’induction actionne un oscillateur, mis en série avec deux condensateurs (un du côté de chaque boule), et le primaire d’un transformateur spécial (à petit nombre de spires) dont le rôle est d’élever la tension, diminuée par les capacités (condensateurs) reliées aux bornes du secondaire de la bobine, qui actionne l’oscillateur. Le secondaire du transformateur spécial est relié d’une part à l’antenne, d’une longueur égale à $$$ \frac{1}{4}$$$ de la longueur d’onde ($$$ \frac{\lambda}{4}$$$ ), et de l’autre à un fil égal à l’antenne, fil qui peut être enroulé en spirale, ou bien remplacé par une plaque métallique constituant une capacité électrique.’

Le récepteur Braun-Siemens et Halske (fig. 2) est très semblable au transmetteur. Il en est, en quelque sorte, l’inverse. Une antenne égale à $$$ \frac{1}{4}$$$ de la longueur d’onde traverse le primaire (à gros fil et petit nombre de spires) d’un transformateur spécial et aboutit à un fil long $$$ \frac{\lambda}{4}$$$. qui peut être enroulé en spirale ou remplacé par une plaque métallique, constituant, comme pour le transmetteur, une capacité électrique. En dérivation aux bornes du primaire du transformateur, il y a des condensateurs, dans le but d’accentuer à ces points la production de ventres de l’intensité de l’onde (ventres qui se trouvent là où il y a des nœuds de la tension). Le secondaire aboutit d’une part directement, de l’autre à travers un cohéreur, à un fil long$$$ \frac{\lambda}{4}$$$ , fil qui peut être enroulé en spirale ou remplacé par une plaque métallique. Le cohéreur, comme d’ordinaire, est mis en circuit avec une pile et un relais, dont l’armature, attirée, ferme le circuit d’une batterie de piles, qui actionne un Morse et un frappeur (non indiqués dans la figure).

Avec le dispositif Braun, MM. Siemens et Halske ont effectué de nombreux essais entre la côte allemande et des bateaux, et entre le.continent et Helgoland, à des distances qui, d’après nos renseignements, vont jusqu’à 70 kilomètres environ, mais qu’on est en train de surpasser de beaucoup, si ce n’est déjà fait à l’heure qu’il est, le gouvernement allemand ayant ouvert un concours pour l’adoption d’un vaste réseau de télégraphie sans fille long de la côte allemande) pour les communications avec les navires de la marine marchande et de guerre de l’Empire.

E. GUARINI.

[1Voy. n° 1502, du 8 mars 1902, p. 214.

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