Louis Georges Gouy

Note nécrologique publiée dans La Nature N°2708 - 27 février 1926
Dimanche 15 février 2009 — Dernier ajout jeudi 28 mars 2024

Note nécrologique publiée dans La Nature N°2708 - 27 février 1926

Louis Georges GOUY

La physique française vient de faire une. perte cruelle en la personne de G. Gouy, décédé le 27 janvier.

Nous extrayons les lignes qui suivent de l’éloge prononcé par M. Émile Picard à l’Académie des Sciences dont G. Gouy était membre non résident.

« Gouy a été un physicien d’une profonde originalité. On lui doit des découvertes extrêmement remarquables dans les parties de la physique qui avaient fait l’objet d’un nombre immense de travaux, et oit il semblait qu’il n’y eût plus qu’à glaner. Un de ses premiers travaux est relatif à la vitesse de la lumière. On admettait alors comme évident que la vitesse de propagation de transport de l’intensité lumineuse se confond avec la vitesse de propagation des ondes individuelles. Il en est bien ainsi dans les milieux privés de dispersion ; mais,comme l’a montré Gouy en 1880, il en est autrement pour les milieux dispersifs où la vitesse des ondes dépend de la période. Dans ces derniers milieux, il faut distinguer entre la vitesse de la lumière ou du train d’ondes et la vitesse des ondes. Les conclusions théoriques du jeune physicien furent vi vement contestées, mais elles ont été retrouvées un an après par Lord Rayleigh. Ce n’est d’ailleurs qu’à une date relativement récente qu’on a donné, par des expériences faites avec le sulfure de carbone, une vérification expérimentale de la théorie de Gouy. Toutes les mesures directes, méthode de Fizeau et méthode de Foucault, mesurent la vitesse du train d’ondes et non la vitesse des ondes.

Une autre découverte considérable de Gouy est relative à la propagation des ondes sphériques de faible rayon. Par rapport à une onde plane émise en même temps, une onde émanant d’une source ponctuelle prend une avance dont la valeur limite rapidement atteinte est égale au quart de la longueur d’onde. Des considérations analogues s’appliquent aux ondes sphériques convergeant vers un foyer, d’où cette conséquence remarquable que, en franchissant un foyer, la lumière subit une avance égale à la moitié d’une longueur d’onde. Gouy a vérifié expérimentalement ce résultat en répétant l’expérience des miroirs de Fresnel modifiée de manière que l’un des faisceaux passe par un foyer ; la frange centrale est alors noire au lieu d’être blanche.

Non moins importantes sont les études de Gouy sur ce que l’on appelle la diffraction éloignée, c’est-à-dire les cas de diffraction pour lesquels la déviation des rayons est considérable. Dans les expériences ordinaires de diffraction, la lumière n’est plus observable quand la déviation n’est pas très petite. En employant des écrans à bords extrêmement aigus, et en concentrant la lumière au foyer d’une lentille convergente se trouvant sur le bord même de l’écran, on peut avoir des déviations atteignant 150 degrés. Des phénomènes entièrement nouveaux se présentent alors ; en particulier, la lumière diffractée est en rapport intime avec la nature de l’écran, contrairement à ce qu’on observe dans les expériences habituelles.

Toutes ces recherches de Gouy témoignent d’une réelle ingéniosité mathématique en même temps que d’une grande habileté expérimentale. One de travaux de notre confrère, relatifs à d’autres parties de la Physique, il faudrait encore rappeler, si l’on voulait donner une idée un peu précise de son œuvre ! Ce seraient, en électrostatique, des remarques sur le pouvoir inducteur des diélectriques, une étude devenue classique sur certains phénomènes présentés par les tubes de Natterer, qui ont longtemps constitué pour les physiciens des énigmes insolubles, et où Gouy a montré que la pesanteur joue un rôle essentiel. Il faudrait aussi dire un mot de ses travaux relatifs aux effets du champ magnétique sur la décharge dans les gaz raréfiés, de ses études sur l’électrocapillarité, sur le pouvoir émissif et absorbant des flammes colorées.

Le nom de Gouy reste également attaché à l’élude des mouvements browniens. Depuis l’époque où le botaniste Brown avait signalé ce curieux phénomène, on avait émis de divers côtés l’opinion que de tels mouvements étaient peut-être identiques aux mouvements d’agitation prévus par les théories cinétiques. Les observations systématiques de Gouy montrèrent que le phénomène est d’une constance extrême dans son irrégularité, et indépendant de circonstances accidentelles, telles que inégalités de température, trépidations du sol, évaporation du liquide. La conclusion de Gouy universellement adoptée est qu’il y a identité entre le mouvement brownien et celui des molécules dans un gaz. »

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