Les audiphones

La Nature N°353 - 6 Mars 1880
Dimanche 8 mars 2009

L’audiphone de M. Rhodes, de Chicago, si bien simplifié par M. D. Colladon, de Genève, obtient de jour en jour un succès toujours croissant auprès de ceux qui sont affligés d’une faiblesse d’ouïe plus ou moins considérable. Nous ne reviendrons pas aujourd’hui sur la description très complète qui a été donnée de l’instrument [1] . Nous rappellerons qu’il consiste uniquement en une feuille de carton que l’on tient serrée entre les dents, et que l’on arrondit avec la main de manière à opposer une surface concave aux rayons sonores. Les vibrations de l’air, ainsi transmises aux dents et à la charpente osseuse de la tête, donnent aux sourd,s l’impression des sons. Cette expérience ne peut être appréciée que par certains sourds : ceux-ci n’entendent plus par le tympan, mais souvent, ils perçoivent les sons transmis par les vibrations dos os de la tête.

C’est ainsi que parmi les personnes qui ont l’oreille dure, il en est qui entendent le tic-tac d’une montre, si cette montre est appuyée contre leur front, et qu’ils ne l’entendent plus quand elle est placée à une petite distance de l’oreille. Tous ceux qui ont l’oreille normale ne peuvent donc pas se rendre compte par eux-mêmes des avantages de l’audiophone, mais il leur est facile de s’assurer de sa valeur en interrogeant des sourds qui l’ont employé.

Nous avons reçu une lettre très intéressante d’un de nos correspondants, qui a récemment assisté à une séance fort curieuse, où plusieurs sourds-muets, munis de l’audiophone, entendaient distinctement les accords d’un piano, et la voix même d’une jeune dame qui chantait une romance. M. Colladon a précédemment exposé les résultats d’une semblable expérience qui avait été faite le 14 janvier, en présence d’un habile instituteur des sourds-muets, M. Sager. Celle que nous représentons ci-contre a encore une fois confirmé la merveilleuse efficacité de l’audiphone de carton. Quelques-uns des sourds-muets, munis de l’audiphone, ont eu la joie de prendre part au concert, et l’émotion qu’ils exprimaient en éprouvant cette sensation nouvelle de la musique, offrait, parait- il, un spectacle touchant.

Lors de cette curieuse séance du 4 janvier, un fait bien remarquable a frappé les assistants. M. Sager prenait un de ses élèves et lui faisait toucher séparément son larynx, tandis que lui-même mettait sa main contre le larynx de l’élève ; après avoir prononcé quelques mots à haute voix, il a tenu les yeux de cet élève complètement fermés et a prononcé les mêmes mots alternativement très près de l’audiphone ; la plupart de ces mots ont été répétés distinctement et sans hésitation par le jeune sourd-muet. Lorsqu’on supprimait l’audiphone, il ne pouvait plus les répéter.

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