Les sous-marins à La Pallice — La Rochelle

A. FANTON. La Nature N°1678 (22 juillet 1905) & Science Illustrée N° 923 (5 août 1905)
Dimanche 29 juillet 2018 — Dernier ajout samedi 16 mars 2024

A. FANTON. La Nature N°1678 (22 juillet 1905) & Science Illustrée N° 923 (5 août 1905)

Cet article a été publié dans La Nature & La Science Illustrée à deux semaines d’intervalle. Cette situation c’est répétée à de nombreuses reprises durant l’année 1905. Est-ce le signe de l’absorption de La Science Illustrée par La Nature à la fin de 1905 ? C’est probable. Mais je n’ai trouvé aucunes traces de cette fusion dans les revues. Un courrier envoyé aux abonnés de La Science Illustrée ? Peut-être.
Il est à noter que seule la première illustration a été reprise dans La Science Illustrée.

La navrante tragédie du Farfadet qui vient d’attrister la Tunisie et toute la France a, de nouveau, attiré l’attention sur ces engins non moins redoutables en paix qu’en guerre, que l’on nomme les sous-marins. Les questions qu’on nous a posées à ce sujet rendent donc toutes d’actualité les lignes qui suivent.

Un précédent voyage de M. Thomson dans l’Ouest avait eu comme résultat de conserver au port de La Pallice son poste de sous-marins. Récemment créé, à peine aménagé ce poste allait disparaître. C’eût été fort regrettable, pour le port de Rochefort, qui, atteint du même coup, devait perdre cette spécialité à l’heure où ses chantiers appropriés venaient d’être parfaitement outillés pour ce genre de constructions. D’autre part, le port de la Rochelle, celui de La Pallice, l’embouchure de la Charente, toutes les baies voisines de ces trois points, où il serait possible de tenter un débarquement eussent été dépourvus de ce moyen de défense. Notre côte ouest de l’embouchure de la Loire à celle de la Bidassoà est bien protégée par des forts et des torpilleurs, mais on a vu à Port-Arthur que les gros canons des cuirassés peuvent réduire au silence les batteries de terre, et qu’on peut arrêter ou même détruire les" torpilleurs au moyen de torpilles flottantes semées autour des postes de surveillance. Ainsi un vaste secteur fût demeuré, sur nos côtes, ouvert aux entreprises de l’ennemi ; dû moins l’étranger n’y avait-il pas à redouter, le formidable danger d’une explosion imprévue.

Les raisons mises en avant pour justifier cet abandon se réduisaient à ceci. La Pallice est non seulement un poste de sous-marins, destinés à protéger un secteur déterminé, mais avant tout un port d’attache, un centre pour les essais. Là on apprend à connaître, à conduire, h manier les unités construites à Rochefort et dont on ne peut, dans une rivière, vérifier les qualités nautiques. En raison de leur différence de densité, les eaux d’une rivière et celles de l’Océan n’offrent pas à un sous-marin les mêmes conditions de flottabilité. De plus la navigation de rivière est différente de la navigation au large ou même de la navigation le long des côtes. La profondeur est limitée, l’espace restreint et, par suite, les évolutions se trouvent souvent gênées. Impossible par ailleurs d’apprécier sur un fleuve la tenue à la mer, la résistance des superstructures, l’habitabilité pendant les longues plongées, etc.

Donc le centre de construction et le centre d’évolutions étant différents, les conditions deviennent défavorables, par suite, suppression inévitable des chantiers de Rochefort comme du poste d’essais de La Pallice. Toulon devait recueillir cet héritage.

Toutefois sur les réclamations très vives des autorités compétentes et surtout des syndicats Ouvriers menacés dans leurs intérêts, Rochefort reçut la commande de plusieurs sous-marins mais… la suppression du poste de La Pallice fut maintenue.

On n’eut pas de peine tout dernièrement à convaincre M. Thomson de l’étrangeté de ce provisoire. On lui fit remarquer que la différence de densité entre l’eau de la Charente, à Rochefort, et celle de l’Océan à La Pallice n’était pas bien considérable, le flux et le reflux se faisant sentir bien en amont de notre port de guerre. Les ingénieurs savent parfaitement d’ailleurs parer a ces variations de milieu et n’éprouvent guère de difficulté à lancer en eau très saumâtre des unités destinées à l’Océan. La Pallice se trouvant située à faible distance de Rochefort, avec son port en eau profonde, peu encombré encore ; avec sa rade où l’on peut combiner, à l’abri des gros temps, des manœuvres d’escadre et des évolutions de sous-marins, est tout indiquée.

Il est bon que nos officiers des défenses sons-marines se familiarisent d’ailleurs avec les baies des alentours, avec les fonds voisins et puissent à l’occasion empêcher un ennemi audacieux d’effectuer un débarquement dont le but serait de prendre Rochefort — inaccessible par mer — à revers.

M. Thomson s’est rendu à ces arguments, mais il a voulu, en outre, juger par lui-même : le Gnome, le Lutin, le Phoque, la Loutre, Castor, etc., ont évolué devant lui avec une maestria convaincante.

A. Fanton

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