Coloration comparée des fleurs et des fruits.

Ferdinand Faideau, La Science Illustrée N°349 - (4 Août 1894)
Samedi 8 novembre 2014 — Dernier ajout mardi 30 janvier 2018

Vous êtes-vous jamais inquiété de savoir quelle était la plus commune parmi toutes les nuances dont sont colorées les fleurs de nos champs et de nos bois ? Si oui, vous avez certainement reconnu bien vite que le blanc est la couleur la plus répandue.

Mais quelle est ensuite la plus commune ? Là, l’embarras commence, les uns disent le jaune, d’autres le rose ; il n’en est rien : c’est le vert.

Au surplus, voici comment se répartissent, au point de vue de la couleur, 1,203 plantes qui forment à peu près toute la flore des environs de Paris :. 319 espèces ont des fleurs blanches, 312 les ont d’un vert plus ou moins franc ; il y en a 262 jaunes ; 144 roses, 70 bleues, 51 violettes, 39 rouges ou rougeâtres, 6 écarlates ; aucune n’est noire.

Il faut, d’ailleurs, ajouter qu’un tel classement est fort difficile pour beaucoup de plantes qui se présentent à nous sous des couleurs variables : le mouron rouge ne se gène pas pour être bleu ou blanc ; le pied-d’alouette, la polygale, etc., sont indifféremment blancs, roses, violets ou bleus ; les plantes d’une même espèce sont parfois blanches, parfois rosées ; enfin, un certain nombre sont revêtues à la fois de nuances multiples, parmi lesquelles il est difficile de déterminer celle qui domine ; mais l’ensemble de la statistique n’en demeure pas moins net.

Veut-on savoir, maintenant, comment les couleurs se répartissent dans les principales familles ? Le vert est la couleur presque exclusive des fleurs des graminées, des cypéracées, des euphorbes et d’un grand nombre d’arbres ; le blanc est celle des ombellifères et des liliacées ; le jaune domine chez les composées. Les renonculacées et les crucifères sont partagées entre le blanc et le jaune ; les caryophyllées sont blanches ou rosées ; les rosacées, blanches, roses ou jaunes ; les papilionacées jaunes, roses, blanches ou bleues ; le rouge et le rose dominent chez les labiées, et le bleu plus ou moins pur chez les borraginées.

Proposons-nous de faire la même recherche pour la couleur des fruits charnus, laissant de côté les fruits secs : capsules, gousses, siliques, etc., chez lesquels c’est la couleur jaunâtre ou verdâtre qui est la plus fréquente.

Nous constaterons d’abord que le blanc, très commun parmi les fleurs, est rarissime parmi les fruits ; il n’y a que les baies du gui qui soient ainsi colorées. La symphoricarpine, qu’on trouve dans tous les jardins, et à laquelle ses fruits blancs ont fait donner le nom de boule-de-cire, ne doit pas entrer en ligne de compte, car c’est une plante exotique ; elle est originaire de l’Amérique du Nord.

Le vert est très rare également parmi les fruits charnus ; on peut citer, cependant, ceux du groseillier épineux.

Le jaune franc, très commun parmi les fleurs, est rare parmi les fruits, à peine le trouve-t-on chez quelques pommes sauvages.

Des fleurs bleues, assez nombreuses cependant aucune ne donne un fruit succulent ; il n’existe pas d’ailleurs, de fruits nettement bleus.

Le rouge, l’écarlate, le cramoisi, rares chez les fleurs, sont la couleur de près de la moitié des fruits charnus. Les fruits de l’aubépine, du sorbier des oiseaux, du cerisier, de la douce-amère, de la bryone, du houx (fig. 2), du chèvrefeuille, du fusain (fig. 4), du framboisier, de l’épine-vinette, du tamier, etc., les pseudo-fruits de la rose (fig. 1), et du fraisier sont d’un rouge plus ou moins vif.

Aucune fleur n’est complètement noire, c’est à peine si l’ont trouve des taches noires à la base des pétales du pavot hybride, assez commun dans nos moissons ; au contraire, le noir est très commun parmi les fruits ; il suffit de Citer les mitres (fig. 3), les prunelles, les baies de sureau, du lierre, du troène, du genévrier, de la parisette, de la belladone (fig. 5), etc.

On voit donc que le con truste est aussi complet que possible entre la couleur des fruits et celle des fleurs ; on a dit, avec pl us ou moins de raison pour expliquer ce contraste, que la plante doit s’adapter, dans le cours de l’année, à deux sens esthétiques différents d’abord celui des insectes nécessaires à sa fécondation ; ensuite, celui des oiseaux, nécessaires à la dissémination des graines.

Quoi qu’il en soit, bornons-nous à faire remarquer que tous les fruits munis d’ailes ou de crochets, tous ceux qui sont assez légers pour être transportés par le vent, sont ternes et peu apparents ; au contraire, les fruits charnus, qui ne peuvent être disséminés que par les oiseaux, sont brillants et revêtus de vives couleurs, qui les rendent visibles de fort loin.

Ferdinand Faideau

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