La presse hydraulique

L. Beauval, La Science Illustrée N°70 - 30 Mars 1889
Vendredi 19 juillet 2013 — Dernier ajout lundi 2 septembre 2019

L’immense pression développée dans une presse hydraulique est pour tout le monde un sujet d’étonnement.

Une presse hydraulique est un transmetteur dans lequel une certaine pression par centimètre carré, agissant sur une petite surface, est capable de développer la même pression par centimètre carré sur une grande surface, et multiplie par conséquent la pression primitive. La somme totale de toutes les forces utilisées dans la presse est exactement égale à la somme totale de toutes les forces qui lui ont été appliquées, moins le frottement.

Avant de décrire la presse hydraulique, il est peut-être utile d’exposer les quelques principes sur lesquels elle repose. Une sphère métallique creuse (fig. 1) est entourée d’ouvertures circulaires égales. Ces ouvertures sont entourées de colliers sur lesquels on attache et l’on tend des morceaux de caoutchouc épais, mais suffisamment élastiques. Vous placez la sphère sur un support, l’une des ouvertures étant tournée vers le haut, la seule que vous ne fermiez pas tout d’abord. Vous remplissez exactement la sphère d’eau et vous attachez votre bande de caoutchouc. Pressez légèrement sur celle-ci, vous verrez toutes les autres, aussi bien celles qui sont sur les côtés que celle qui forme le fond, se soulever également. La pression exercée en un point du liquide s’est transmise intégralement à tous les points du liquide ; c’est le principe de Pascal.

Il n’est point d’exemple plus frappant des effets produits par la pression hydrostatique, que celui présenté par l’expérience de Pascal. Ce physicien brisa un tonneau surmonté d’un tube de 10 mètres en le remplissant d’eau. C’est cette expérience, modifiée, que nous représentons dans la figure 2. Un vase cylindrique en cuivre de 0,15 m de diamètre environ est bouché par un morceau de cuir ou de caoutchouc pas trop tendu, de manière à lui laisser un jeu de 0,02 à 0,03 m.

Sur le côté est inséré un tube recourbé à angle droit, et qui s’élève d’environ 0,60 m au-dessus du bord du récipient ; son extrémité s’évase en entonnoir. Le diamètre du tube est quelconque ; le résultat sera le même, qu’il soit large ou étroit. Pour remplir l’appareil vous le couchez dans un bassin plein d’eau et tour à tour vous poussez et tirez la membrane flexible qui recouvre le vase. L’air s’échappe et est remplacé par l’eau qui bientôt remplit tout l’appareil. Vous relevez le vase et pressez sur le couvercle, de façon à expulser l’eau et à l’amener au même niveau dans tout le système.

Vous placez une planche sur la membrane, et vous y posez un poids de 10 kg. Vous remplissez le tube d’eau et le poids est soulevé. Cette expérience montre l’immense pression exercée par une colonne d’eau pourtant très étroite. Le vase peut, si vous le voulez, représenter, avec son couvercle flexible, le grand cylindre et le piston d’une presse hydraulique : le tube sera le corps de pompe, la colonne d’eau qui y est contenue, son piston, et le poids de cette colonne la force développée sur le piston. En augmentant la hauteur de la colonne d’eau, vous augmenterez la force du même coup.

La figure 3 montre deux vases communicants de diamètre différent. Le plus grand est divisé en b, près de la base et réuni à la partie supérieure au moyen d’un joint. Si vous versez de l’eau dans l’un de ces vases, elle s’élèvera au même niveau dans les deux. Vous enlevez la partie supérieure du plus grand et rattachez une membrane flexible sur la partie intérieure.

Une colonne d’eau qui, dans le petit vase, s’élève jusqu’en a, se trouve alors équilibrée par un certain poids placé sur la membrane, comme dans la figure 4. Le poids sera exactement celui d’une colonne d’eau du diamètre du grand vase et d’une hauteur égale à la distance de la membrane au niveau a. On le voit facilement en enlevant le poids, replaçant la partie supérieure du grand vase (fig. 5) et la remplissant d’eau jusqu’au niveau a. Le poids de l’eau ainsi versée se trouvera exactement égal à celui qu’on a enlevé.

Il semble paradoxal de dire que les variations de forme où de grandeur dans la partie supérieure du vase n’influent pas sur les résultats, pourvu que le même niveau d’eau soit maintenu, mais il faut se rappeler qu’il s’agit simplement d’une pression par centimètre carré. Le poids équilibrera une large ou une mince colonne de liquide, la hauteur verticale restant la même dans chaque cas.

La figure 6 est une presse hydraulique théorique, au-dessus de laquelle le diagramme montre les aires relatives sur lesquelles s’exercent les pressions. À deux vases carrés communicants A et B sont fixés les pistons a et b. Le piston a a un centimètre de côté : c’est donc un centimètre carré ; le piston b a 5 centimètres de côté : il a donc une surface de 25 centimètres carrés. Si l’espace qui sépare les deux pistons est rempli d’eau, on trouvera que, par suite de l’égale distribution de la pression sur tous les corps en contact avec l’eau, un poids placé sur le piston a équilibrera un poids 25 fois plus grand placé sur le piston b. Par exemple, une pression de 5 kg exercée sur le piston a, transmise intégralement par l’eau, développera sur chaque centimètre carré du grand piston b, une pression de 5 kg et ce piston b ayant 25 fois la surface du piston a soulèvera un poids de 125 kg.

Une telle presse n’aurait aucune valeur pratique vu que le piston a s’abaissant de 5 centimètres ne soulèvera le piston b que d’un cinquième de centimètre. Pour soulever le piston b de 5 centimètres, il faudrait donner au piston a une course de 125 centimètres.

Pour obvier à cet inconvénient et donner au petit corps de pompe des presses hydrauliques une longueur raisonnable, on a imaginé un système de soupapes qui permet au petit piston, par son action répétée, de produire le même effet que s’il avait une longue course.

Les figures 7 et 8 montrent une presse hydraulique très simple et très facile à construire. Sur une forte planche est assujettie une espèce de collerette dans laquelle est vissé un tube A. Ce tube est pour ainsi dire cassé en deux et les deux parties sont réunies par une collerette à pas de vis. On remplit de chanvre l’espace qui sépare les deux portions. Dans ce tube, qui représente le grand cylindre de la presse, se meut un piston constitué par une simple barre de fer ou de cuivre cylindrique surmontée d’un plateau. Un tuyau C muni d’une décharge réunit les deux corps de pompe A et B. Un morceau de bois en forme de croix aux branches de laquelle sont vissées les soupapes constitue la base de ce second corps de pompe construit absolument de la même façon que le précèdent, mais le piston est muni à son extrémité d’une poignée au lieu d’un plateau.

Au moyen de deux barres de fer une épaisse planche de bois est supportée au-dessus du gros piston. Le petit piston, en se soulevant, fait pénétrer l’eau dans l’appareil et, en s’abaissant, l’envoie dans le grand corps de pompe dont il soulève un peu le piston. En répétant ce mouvement, grâce au jeu des soupapes, on arrive à soulever le grand piston à la hauteur nécessaire pour presser ensuite les corps déposés sur le plateau. Avec des pistons ayant respectivement 5 centimètres et 1 centimètre de diamètre, on obtient une pression de 1 000 kg. Pour des pressions plus élevées il faut remplacer le tube A par un corps de pompe particulier, muni d’un cuir embouti, et ajouter un levier au petit piston.

L. Beauval

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