Tour en fer à claire-voie de l’observatoire météorologique de Brécourt à Sainte-Marie-du-Mont (Manche)

Gaston Tissandier, La Nature N°537 - 15 septembre 1883
Dimanche 20 mai 2012 — Dernier ajout vendredi 26 janvier 2018

Les observatoires météorologiques d’une certaine importance possèdent en général une tour massive, en maçonnerie ou en charpente, à surfaces planes ou cylindriques , destinée à placer à diverses hauteurs les instruments d’observation. Ce mode d’installation laisse beaucoup à désirer. La masse de la construction s’échauffe au soleil et rend illusoires toutes les indications thermométriques ou hygrométriques ; les surfaces murales produisent des remous qui troublent de la manière la plus grave les observations relatives à la pluie, à la neige et surtout à la brume et à la rosée, faites dans un rayon même assez étendu.

L’influence perturbatrice des murs et des toits sur les girouettes et les anémomètres, est telle que tons les observateurs soigneux cherchent à placer ces instruments à d’assez grandes hauteurs au-dessus du sol et absolument libres dans l’espace. Les mâts à bascule, employés à cet effet, présentent certaines difficultés de manœuvre pour visiter les instruments. Les mâts à échelons de quelques observatoires, nécessitent à chaque nettoyage de l’instrument des tours de force de gymnastique que peu d’observateurs sont en état d’accomplir.

La nouvelle tour en fer (fig. 1) que M. Hervé Mangon vient de faire construire à Sainte-Marie-du-Mont ne présente aucun des inconvénients des tours pleines en maçonnerie ou en charpente ; elle offre les plus grandes facilités pour la mise en place et la visite des anémomètres et pour l’installation des divers instruments météorologiques.

La faible dimension des fers d’angles employés à sa construction (fig. 2), offre peu de résistance au passage du vent, et la masse métallique est si faible que sa température, par le plus grand soleil, n’excède jamais de plus d’un demi-degré celle de l’air ambiant. La tour est peinte en blanc, sa hauteur n’est que de 16m, mais en augmentant la force des fers on pourrait lui donner facilement une hauteur beaucoup plus grande. Les échelles en fer qui relient les paliers permettent de monter et de descendre avec la plus grande facilité.

L’anémomètre est placé au sommet d’un mât en bois, d’une hauteur égale à celle de la tour, c’est-à-dire à 30 mètres environ au-dessus du sol. Ce mât glisse le long d’une coulisse en fer fixée à un côté de la tour. Il pèse environ 300 kg. On l’élève ou on l’abaisse, pour visiter l’anémomètre, au moyen d’une corde passant dans une poulie inférieure et qui s’enroule sur un treuil placé sur la plate-forme. Le brin de corde qui s’enroule sur le treuil exerce un effort de 150 kg et comme le treuil décuple à peu près la force, on peut tourner la manivelle d’une seule main, moyennant le faible effort de 1S kilogrammes. La manœuvre est donc rapide et facile à faire par une seule personne. Des haubans fixes au sommet du mât assurent sa stabilité par les plus grands vents. Les indications de l’anémomètre sont transmises électriquement, à 150 mètres, à l’enregistreur situé dans le laboratoire.

La tour a été construite sur le projet de M. Hervé Mangon, par M. Lechauve, à Levallois-Perret, avec beaucoup de soin et d’habileté ; elle a été mise en place, sans aucun appareil de levage, en trois jours, par trois personnes seulement. Le fer travaille à 8 kilogrammes environ par millimètre carré dans les grands vents exceptionnels. Cette tour communique par un câble métallique souterrain avec une pièce d’eau pour prévenir les décharges électriques.

Outre l’anémomètre, la tour et le mât recevront des thermomètres, des appareils pour l’étude de la pluie, de la rosée et de l’électricité. Elle se prête en un mot à un grand nombre d’études délicates et intéressantes que les tours massives ne permettraient pas d’aborder, et elle est assurément destinée à rendre de grands services aux observations météorologiques. Il serait vivement à désirer que les observatoires richement dotés, fissent établir des constructions de ce genre pouvant sonder l’atmosphère sur une hauteur de 70 à 100 mètres.

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