Le lieutenant-colonel Hennebert (1826-1896)

Gaston Tissandier, La Nature N°1203 — 20 juin 1896
Dimanche 4 mars 2012

La mort du lieutenant-colonel Hennebert, survenue le samedi 4 juin, dans sa 70e année, est une grande perte pour la science et pour l’art militaire, auxquels il a consacré tous les efforts de sa vie. Nous allons donner ici une Notice nécrologique pour rendre hommage à cet homme d’honneur et de bien.

Nous diviserons l’histoire du lieutenant-colonel Hennebert en plusieurs parties en le représentant dans ses différentes fonctions. Nous le ferons voir d’abord dans sa carrière militaire.

Le lieutenant-colonel Hennebert, officier de la Légion d’honneur, officier de l’Instruction publique, titulaire des ordres militaires de la couronne d’Italie et de Sainte-Anne de Russie, est né le 19 juillet 1826 à Beauvais (Oise). Issu d’une vieille famille du Hainaut, il sortit de l’École polytechnique en 1845, en excelllent rang, et choisit l’arme du génie, où il fut promu sous-lieutenant en 1847. Son stage accompli à Metz, il entra comme lieutenant en second au 2e du génie en 1849, et fut employé à Arras, à Doullens et à Lyon. Nommé répétiteur de topographie à l’école de Saint-Cyr en 1851, il fut promu capitaine en second à l’état-major en 1854, puis il quitta Saint-Cyr pour être attaché aux travaux de Paris. Placé au 1er régiment de l’arme, à Arras, en 1855, et détaché au camp d’Helfaut, le 1er juillet 1855, il s’embarqua pour l’Algérie, le 5 août 1855. Après avoir fait d’importants travaux à Sétif, Bougie, Philippeville, Blidah, Médéah et Alger, M. Hennebert rentra en France en 1864. Nommé chef du génie à Cette, il fut envoyé à Versailles, le 18 mars 1869.

Promu chef de bataillon le 9 juillet 1870, M. Honnnebert prit part au siège de Paris, fut attaché aux travaux de défense du 8e secteur et revint à Versailles, après la paix de 1871. M. Hennebert fut ensuite envoyé à Amiens, comme chef du génie. Il quitta cette place en 1875 pour être attaché à l’état-major de l’École d’application de Fontainebleau. Pourvu d’une chaire à l’Ecole militaire de Saint-Cyr en 1878, il y fit le cours de fortification et fut promu lieutenant-colonel en 1880 ; puis il prit la suppléance du même cours à l’École supérieure de guerre, en même temps qu’il professait le cours d’art militaire à l’École supérieure des mines et à l’École des ponts et chaussées. Le lieutenant-colonel Hennebert terrmina sa carrière militaire en 1885, comme chef du génie à Besançon, après trente-huit ans des meillleurs services. Voici une lettre qui montrera la valeur de ses services ; elle lui a été écrite en jannvier 1871 par le contre-amiral baron Méquet, commmandant le 8e secteur.

Paris, le 28 janvier 1871.

DÉFENSE DE PARIS

8e SECTEUR Commandant supérieur

Mon cher commandant,

Au moment où l’armistice va mettre un terme à la mission militaire qui m’était confiée comme commandant supérieur du huitième secteur de l’enceinte, c’est à la fois un devoir et une satisfaction pour moi de vous exprimer tous mes remerciements du concours actif et dévoué que m’a prêté le génie pendant le siège de Paris. Le zèle et l’activité que vous avez déployés, tant pour préparer la défense de l’enceinte que pour lutter contre les effets du bombardement, n’ont pas peu contribué à établir, dans le secteur, cette unité de vues qu’il eût été si désirable de voir régner entre le commandement et tous les services participant à la défense de Paris. Aussi ai-je hautement apprécié le bon esprit dont vous avez fait preuve, mon cher commandant, dans les circonstances si difficiles que nous avons eu à traverser. Les services que vous avez rendus n’ont pu échapper aux généraux du génie sous le commandement desquels vous étiez placé et je ne doute pas que vous n’en soyez bientôt récompensé.

Recevez, mon cher commmandant, l’assurance cordiale de mon affectueuse considération.

Signé :

Contre-amiral BD. Méquet

Rendu à la vie civile, le lieutenant-colonel Hennebert, avant de s’occuper de science, s’adonna avec passion à la littérature et à l’histoire, qu’il avait toujours aimées. Doué d’une facilité et d’une puissance de travail extraordinaires, il publia dans l’espace d’une vingtaine d’années, tant sous son nom que sous divers pseudonymes, plus de quarante ouvrages, sans compter nombre de brochures, notices, articles de journaux, etc., et laisse encore des ouvrages malheureusement inachevés. Ses principales œuvres sont :

Une Histoire d’Annibal en trois volumes couronnnée par l’Académie française, travail de longue haleine dénotant une érudition et une force d’investigation peu communes. - Histoire de la défense de Paris (Sarrepont). - Bombardement de Paris (Sarrepont). - L’étoile d’Amiens. - Les comtes de Paris. - Gribeauval.

Il a écrit des livres relatifs à l’armée : L’artillerie moderne. - Les torpilles. - La guerre. - Armées modernes. - La France sous les armes. - L’aigle russe. Viennent ensuite des œuvres humoristiques : Nos soldats. - Histoire militaire des animaux. - Chants et chansons militaires de la France. - De Paris à Tombouctou. - Les flous flous du régiment. - Une auenture à Tombouctou (PrevosttDuclos). - Un drame au centre de l’Afrique (Léopold-Robert) .

Le lieutenant-colonel Hennebert a été un important collaborateur de notre journal La Nature.

Il y a écrit son premier article en 1884 sous le titre : Le nouveau camp de Paris. Cette première Notice a été appréciée par les lecteurs ; et le nouveau collaborateur n’a pas tardé à en donner un second : Les machines infernales et torpilles sèches. Le lieutenant-colonel et le rédacteur en chef de La Nature ont eu bientôt ensemble des relations nombreuses et courtoises, qui les ont conduits à des visites intimes et à l’amitié. Le rédacteur Hennebert a publié, dans les douze années qui ont suivi 1884 jusqu’à 1896, des articles, sans jamais passer un très long temps entre deux Notices. Ses Notices étaient très bien rédigées, très faciles à comprendre et très appréciées. Nous sommes heureux de déclarer ici que le lieutenant-colonel HeÎmeeberta rendu des services à La Nature.

Comme homme privé, M. le colonel Hennebert ne connaissait pas d’autres Joies que celles de la famille. Dévoué de cœur et d’âme à sa femme et à ses enfants, dont il s’efforçait de faire le bonheur, il ne quittait son foyer que pour s’occuper de la publication de ses nombreux ouvrages. Les succès qu’obtinrent ceux-ci, tant en France qu’à l’étranger, ne lui inspirèrent jamais le moindre sentiment de vanité ; s’il s’en réjouit parfois, ce n’était qu’en pensant à ses enfants et parce qu’ils jetaient un peu d’éclat sur le patrimoine de loyauté, d’honneur et de vertu qu’il devait trop tôt leur léguer.

Le colonel Hennebert a vécu et est mort sans faiblesse, regardant la mort en face comme sur le champ de bataille. Il emporte dans la tombe les regrets de tous ceux qui l’ont connu.

Gaston Tissandier

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