Sir Joseph Dalton Hooker

J, Beauverie, la Revue Générale des Sciences Pures et Appliquées — 30 janvier 1912
Mercredi 6 avril 2011 — Dernier ajout dimanche 20 novembre 2016

Le 10 décembre dernier s’éteignait, dans sa résidence The Camp, près de Sunningdale, à quatre-vingt-quatorze ans, l’illustre botaniste anglais J. D. Hooker. Botaniste voyageur, directeur des Jardins royaux de Kew, il s’est acquis une universelle renommée par ses travaux de Botanique systématique, notamment la publication du Genera, en collaboration avec G. Bentham,.

Fils de Sir William Jackson Hooker, — qui fut lui-même un botaniste célèbre, professeur à l’Université de Glasgow, puis créateur et directeur des nouveaux Jardins de Kew de 1841 à 1865,— il naquit à Halesworth, dans le Norfolk, en 1817, et conquit ses grades à l’Université de Glasgow, où professait son père. Il entra ensuite en qualité de chirurgien assistant dans la Marine royale et fut bientôt attaché, comme botaniste, à la fameuse Expédition antarctique de Sir James Clark Ross ; à ce titre, il parcourt pendant trois ans (1839-1843) les mers du Sud, visitant la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Tasmanie, Kerguelen, la Terre de Feu, amassant d’importantes collections et une documentation botanique considérable. Rentré en Angleterre, il repart bientôt, pour compléter ses connaissances sur les régions antarctiques et tempérées par l’étude de contrées tropicales. En janvier 1848, il débarquait aux Indes ; après avoir passé quelques mois dans les plaines du Gange et le Behar, il se dirige vers les Himalayas et, pendant plus de deux années, se consacre à l’exploration botanique de l’état de Sikkim et s’avance jusque dans le Tibet et l’est du Népal. II met enfin en ordre ses vastes collections à Darjeeling, où le rejoint son ami Thomson, en 185O ; tous deux continuent leurs investigations botaniques dans l’est du Bengale, à Chittagong, Silhet et dans les monts Khasia.

De retour en Angleterre, en 1851, Hooker travaille à la publication des résultats de ses voyages antarctiques et commence, en collaboration avec Thomson, celle de la Flora Indica, dont un volume parait en 1855. Mais ce travail est interrompu par le nouveau départ de Thomson pour les Indes, et la nomination de Hooker comme directeur assistant, au Jardin de Kew, sous les ordres de son père. Malgré les devoirs administratifs de ces fonctions, il peut achever la publication de son grand travail : Botany of the Antarctic voyage (1847-1860), qui comprend les flores des îles antarctiques, de la Nouvelle-Zélande et de la Tasmanie. Il prend part, en outre, à une mission scientifique en Syrie et Palestine (1860), explore le Liban et étudie particulièrement les cèdres qui ont rendu familier le nom de cette chaîne de montagnes.

A la mort de son père, survenue en 1865, il lui succède comme directeur des Jardins de Kew, fonctions qu’il exerce pendant vingt années. Sa puissante activité lui permet de mener de front son travail administratif très absorbant, la poursuite de vastes publications , et même d’entreprendre encore quelques voyages. C’est ainsi qu’il se rend au Maroc et visite l’Atlas ,en 1871 ; l’année 1877 le retrouve avec Asa Gray et Hayden en Amérique, parcourant le Colorado, le Wyoming, l’Utah, les Montagnes Rocheuses, la Sierra Nevada et la Californie.

Pendant toute cette période, il apporte un concours efficace à la publication de nombreux ouvrages, concernant la flore des diverses colonies anglaises, édités par ordre du Gouvernement ; mais l’œuvre la plus importante à laquelle il se consacre est son monumental ouvrage, un des plus considérables élevés à la Botanique au XIXe siècle, le Genera plautarum, publié en collaboration avec George Bentham, comprenant trois volumes dont les dates d’apparition sont respectivement : 1865, 1876 et 1883. Ce livre de botanique descriptive marque, en outre, une date dans l’histoire des classifications botaniques ; celle qui y est adoptée reproduit l’ordre de l’herbier de Kew ; elle constitue une modification de la classification de de Candolle et concerne seulement les Phanérogames.

Au moment de sa retraite, en 1905, il se retire à The Camp, dans une confortable résidence enrichie d’une très remarquable collection de plantes, Là, Hooker, loin de s’adonner à un repos bien gagné, poursuit la publication de ses vastes travaux inachevés et entreprend de nouvelles œuvres considérables. L’ouvrage qui lui a demandé le plus de temps et de travail est sa Flora of the British Indis (1855, puis 1872-1897), qui, achevée, comporte 7 volumes. Il entreprit encore, sur la demande que Darwin — dont il était l’intime ami — lui avait faite peu de temps avant sa mort, la publication de l’Index Kewensis. Ce travail, exécuté avec la collaboration de B. D. Jackson, est l’énumération de tous les genres et espèces de plantes connus (1892-1895). Il continue le Handbook of the Flora of Ceylan, après la mort de Trimen qui avait fait paraître trois volumes de 1893 à 1895 ; il en ajouta deux à ce nombre (1898 et 1900).

A côté des grands travaux que nous venons d’énumérer, il faudrait en ajouter beaucoup d’autres de moindre importance ; nous nous contenterons de signaler les suivants :

De 1849 à 1851, il donne un magnifique in-folio illustré : The Rhododendrons of the Sikkim-Himalaya ; en 1855, un autre in-folio : Illustrations of Himalayan Plants. Il raconte ses explorations dans l’Inde dans son Himalayan Journals, considéré par les Anglais comme un des plus attrayants récits de voyage de leur littérature. Citons encore ses travaux sur la structure et les affinités des Balanophoreœ (1856), sur l’origine et le développement des urnes de Nepenthes (1859), sur le Welwitschia (1863), sur les Cèdres du Liban, Taurus, Algérie et Indes (1862) ; son adresse à la British Association, en 1874, qui constitue une lumineuse revue des problèmes que pose la question des plantes carnivores ; en 1904, il travaille à une monographie minutieuse des Balsamineae dont la multiplicité des formes, qu’il avait observées dans les différentes contrées du monde, avait retenu son attention.

Il a continué la publication du Botanical Magazine (jusqu’en 1902) et des Icones Plantarum(jusqu’en 1889), édités par son père. Dans les Annals of Botany, Joseph Hooker écrivit une importante biographie de son père. Il accompli t encore un devoir filial en mettant à jour la British Flora de celui-ci par sa propre Students Flora, ouvrage qui eut quatre éditions.

Hooker était membre de la Société Royale de Londres depuis 1847 ; il en fut président en 1873-1879.

Membre correspondant de l’Académie des Sciences de Paris dès 1866, puis associé étranger, il était membre de la plupart des grandes Académies d’Europe.

Il a été inhumé, près de son père, dans le vieux cimetière de Kew, et cette localité, toute proche de Londres, devient, plus encore qu’auparavant, chère aux pèlerins botanistes du monde entier.

J, Beauverie, Chargé de cours à la Faculté des Sciences de Lyon

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