Trombes descendantes

E Ferrière, La Nature N°184 - 9 Décembre 1876
Samedi 15 janvier 2011

Du grand hôtel du Cap, situé à la pointe occidentale du promontoire d’Antibes, voici ce dont j’ai été témoin le 21 novembre 1876. Sur la Méditerranée, à une distance qui semblait d’environ 40 kilomètres, à l’endroit même où se lève le soleil, à gauche de la Corse, apparaissait un banc nuageux, dont la tête atteignait l’axe prolongé du cap, et dont l’extrémité se perdait dans les profondeurs de l’est. Près de la tête se dessinaient trois colonnes descendantes, noires comme de l’encre, sur le ciel empourpré par les feux du soleil levant. Puis venait une large zone gris sombre, qui unissait à cet endroit le nuage à la mer, indice d’une pluie torrentielle, Enfin à l’extrémité de celte zone et en dehors, une autre colonne, courbée à la partie supérieure, se projetait sur un ciel ardoisé. A 7 heures 25 minutes la première colonne diminua, se retira peu à peu vers le nuage, restant unie à la mer par une gaîne lumineuse, nettement définie. La tète de cette gaine était identique à celle des vapeurs légères qu’éclaire le soleil en se couchant derrière les cimes de l’Esterel. - A 7 heures 30 minutes la deuxième colonne, la plus puissante, éprouva le même phénomène de retrait. La masse noire, en reculant vers le nuage, se rattachait à la mer par une gaine lumière croissante. A 7 heures 35 minutes, deux points se condensent dans le banc nuageux et s’allongent en descendant ; ce sont deux nouvelles trombes qui se forment. L’une éprouve un moment d’arrêt, mais la seconde descend toujours. Elle va rejoindre certainement la mer, lorsque soudain, de la zone pluviale jaillit un immense éclair : la trombe s’arrête, elle s’effile, le cylindre noirâtre se retire peu à peu vers le nuage, sans laisser de gaine lumineuse. La pluie gagne la région orangée où se déroulaient ces météores ; l’obscurité dérobe le spectacle aux yeux. Quant à la trombe située à l’arrière de la zone pluviale, elle a éprouvé des changements internes, tantôt mince comme le tronc d’un jeune arbre, tantôt prenant un assez fort diamètre, mais toujours courbée à la partie qui touche au nuage. Elle était toute formée quand elle m’est apparue. Je ne l’ai point vue, comme les deux dernières, se former dans les nuages, descendre vers la mer, Ce qui me paraît donner à cette observation un caractère original, c’est la projection des trombes naissantes et descendantes sur un fond rouge-orangé qui permettait de discerner les détails du météore et d’en suivre les phases [1].

E. FERRIÈRE

[1Comptes rendus de l’Académie des sciences. Séance du 27 novembre 1876.

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