William Fairbairn

C.-M. Gariel, La Nature N°75 — 7 Novembre 1874
Lundi 22 novembre 2010

Parmi les ingénieurs anglais dont les travaux ont conduit à une généralisation si complète de remploi du fer qu’on ne voit guère dans quelles circonstances ce métal ne pourrait pas remplacer le bois, il faut citer en première ligne William Fairbairn que la mort vient d’enlever récemment à l’Angleterre. En même temps qu’il nous semble utile de rappeler les travaux et les recherches de cet homme éminent, il nous parait bon de donner un exemple, ajouté à tant d’autres, de ce que peuvent la persévérance et l’amour du travail.

William Fairbairn naquit à Kelso, le 19 février 1789, de parents dont la situation était peu fortunée : bien que son éducation eût été fort négligée, il présenta dès l’enfance des dispositions pour tout ce qui se rattachait aux arts mécaniques ; aussi, dès l’âge de quatorze ans, il saisit l’occasion favorable de l’érection d’un pont à Kelso pour entrer en apprentissage, dirions-nous presque, dans les bureaux de M. Hennie qui avait fait le projet et qui avait été chargé de l’exécution de ce travail : Quelque temps après, le jeune Fairbairn rejoignit, à Newcastle, son père qui était alors chargé de la surveillance d’une mine de houille, et, tout en s’occupant dans la journée de l’exploitation au point de vue pratique et participant effectivement aux travaux manuels, il consacrait ses soirées et une partie de ses nuits à l’étude des théories mathématiques et mécaniques. C’est dans ces circonstances qu’il fit la connaissance de Georges Stephenson, et le zèle de chacun-d’eux à acquérir des connaissances nouvelles stimula leur ardeur et les fit rapidement progresser.

Fairbairn, ayant manqué une position avantageuse qu’il espérait, se décida à aller à Londres, puis à faire un voyage dans le sud de l’Angleterre, dans le pays de Galles et en Irlande ; pendant son voyage, il gagnait par son travail de chaque jour la somme nécessaire pour subvenir à ses besoins matériels.

En 1816, après un séjour de deux ans à Manchester, Fairbairn avait pu faire quelques économies ; il ne tarda pas à se marier et commença bientôt à travailler pour son propre compte comme ingénieur. Quelque temps après, il devenait l’associé de M. James Hillie, à partir de cet instant, Fairbairn vit constamment sa position s’améliorer et lui donner non seulement l’indépendance, mais même la fortune. C’est durant une période de quinze ans, pendant laquelle cette association se continua, que, en dehors des améliorations constantes apportées par Fairbairn aux appareils qu’il construisait, il fut conduit à mettre au jour les premiers navires en fer : il continua cette spécialité à l’usine de Willwall qu’il dirigea pendant quatorze ans. Plus tard nous le voyons, de concert avec Robert Stephenson, construire les ponts Britannia et de Conway, ponts tubulaires en métal ; puis, participer à l’établissement des forts avec revêtements en fer à Spithead. C’est à son instigation que fut créée l’association des propriétaires de machines à vapeur de Manchester, et c’est lui également qui, dès 1851, proposait l’installation d’un système d’inspection des chaudières à vapeur qui devait donner d’utiles résultats.

Il convient de signaler, d’autre part, les recherches expérimentales qu’il fît sur la force des tôles et des rivets, sur la résistance de chaudières à vapeur, expériences qui sont restées classiques. En outre, il présenta aux diverses sociétés dont il était membre, des mémoires, des notes sur les divers sujets à l’ordre du jour, travaux importants qui, croyons-nous, n’ont pas été publiés à part et qu’il faut rechercher dans les procès-verbaux et les transactions de ces sociétés. Ils constituent, dans leur ensemble, une œuvre importante.

Fairbairn avait vu successivement tous les honneurs lui être décernés : sans vouloir les énumérer, nous nous bornerons à dire qu’il était correspondant de l’Académie des sciences de France (section de mécanique) depuis 1852 et que, en 1869, sur la proposition de M. Gladstone, Il fut créé baronnet.

Mais en dehors même de ses titres scientifiques, la vie de sir William Fairbairn est un modèle qu’il convient de citer pour montrer, d’une part, quels peuvent être les résultats de l’intelligence ; pour mettre en évidence, en outre, les honneurs de toute nature que les nations qui comprennent l’importance du développement de la science et de l’industrie (et l’Angleterre marche en première ligne parmi ces nations) savent accorder aux savants, aux industriels qu’elles s’enorgueillissent d’avoir vus naître.

C. M. Gariel

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