S’il est une matière qui semble réfractaire à tout travail artistique, c’est bien le fer. Sa grande dureté, sa faible malléabilité rendent pénible l’action de l’artisan sur elle, mais en revanche, malgré son oxydabilité, elle offre des chances de longue durée et permet de transmettre l’œuvre façonnée avec amour aux lointaines générations.
Il est même, à ce sujet, fort intéressant de remarquer que les œuvres des ferronniers des siècles passés, même celles qui sont exposées en plein air, à toutes les intempéries, comme les grilles, les montures de puits, etc., sont parfaitement intactes, sans aucune protection, tandis que les ouvrages métalliques modernes sont, malgré la couche de peinture qui les recouvre habituellement, altérés profondément par la rouille en quelques années.
Il semble que ces différences de résistance aux agents atmosphériques tiennent en partie au laminage actuel du fer qui allonge, aplatit, disjoint la fibre du métal ; en partie au mode de fabrication au charbon et au coke.
Jadis tout le fer était obtenu à l’aide du bois. L’artisan le recevait en petites barres informes, le travaillait par le martelage et des chaudes successives qui l’assouplissaient tout en lui donnant une grande dureté ; de plus, il n’employait jamais la lime, qui coupe en biais les fibres du fer et les échauffe.
Le fer, aujourd’hui, tient une place énorme dans l’industrie, tout au moins pour la fabrication de l’acier ; son rôle dans l’art est beaucoup moindre que jadis, bien qu’on constate, depuis quelques années, un accroissement notable de ses emplois décoratifs.
Jadis la serrurerie ou ferronnerie, ces deux mots étaient synonymes, comprenait la confection des grilles, l’ornementation des portes, la fabrication des serrures et des clefs, des heurtoirs, des armures, des lanternes, des rampes, des coffres, des accessoires de la cheminée, chenets, pelles, pincettes.
Le fer n’a été employé que bien après l’or, l’argent, le cuivre. Il n’existe, en effet, presque jamais à l’état natif et son extraction exige des connaissances métallurgiques fort développées. Les livres de Moïse attribuent la découverte du fer et l’art de le travailler à Tubal-Caïn, fils de Lameth. Les Grecs en rapportaient l’introduction dans leur pays aux Dactyles, de Phrygie, qui étaient venus s’établir en Crète 1430 ans avant notre ère. Du reste tous les peuples de l’antiquité possédaient à ce sujet des traditions particulières dont l’amour-propre national leur faisait obstinément soutenir la certitude. Tout ce qu’il est permis d’affirmer c’est que les Orientaux ont communément employé ce métal longtemps avant les Européens.
En Europe, le moyen âge est l’époque du fer dans le travail artistique. Ce métal est martelé, découpé, gravé comme une matière précieuse.
I ! sert à faire des coffres, moins solides peut-être que nos coffres-forts, mais combien plus ornés et plus élégants, comme cette merveilleuse pièce que reproduit notre gravure et qui est conservée actuellement au musée de South-Kensington. C’est une œuvre en fer ciselé, sortant des ateliers de Nuremberg et façonnée au cours du XVIe siècle. La serrure est des plus compliquées, à nombreux pênes s’ouvrant sous le couvercle ; toutes les pièces sont finement ciselées.
Un peu plus tard le fer repoussé devient eh grande faveur. Ce genre de travail consiste, comme on sait, à refouler au marteau une plaque de fer placée sur un mastic résistant dont les reliefs et les saillies reproduisent en ordre inverse, le sujet représenté. Le procédé au repoussé semble trop lent aujourd’hui et on préfère employer l’estampage, qui n’est qu’un repoussé mécanique mais fort imparfait.
La bijouterie de fer, deux mots qui semblent bien peu fait, pour être rapprochés, eut une certaine vogue pendant la Renaissance et on conserve encore dans les musées des bagues en fer ciselé datant de cette époque.
Aujourd’hui encore on pratique en Espagne la bijouterie d’acier, mais richement damasquinée d’or. L’effet produit par ce travail est des plus artistiques, surtout quand il s’applique à de grandes œuvres, comme le tombeau du général Prim, à Madrid.
Les procédés de ce travail sont une succession des Maures, qui eux-mêmes, l’avaient importé d’Asie, où il s’exerce encore de nos jours.
G. ANGERVILLE.